La tempête imminente 2004
Dans La tempête imminente, Kent Monkman raconte l’idylle mythologique tragique entre Miss Chief Eagle Testickle et son amant orangiste, le jeune Thomas Scott. Les deux personnages de la scène fuient ensemble un nuage sombre et menaçant qui plane au-dessus d’un paysage inspiré des œuvres monumentales du peintre américain Albert Bierstadt (1830-1902). Ce tableau fait partie d’une série que Monkman appelle indifféremment The Moral Landscape (Le paysage moral) ou Eros and Empire (Éros et empire) et il s’agit du premier tableau d’un récit en trois parties, intitulé The Trilogy of Saint Thomas (La trilogie de Saint-Thomas), 2004.
La tempête imminente propose un récit fictif sur l’histoire de Scott, un Irlandais protestant qui s’est installé dans la colonie de la rivière Rouge (qui fait maintenant partie du Manitoba) en 1869. L’année suivante, Scott a été reconnu coupable de trahison et exécuté le 4 mars par le gouvernement provisoire établi par le chef métis Louis Riel. Cet événement a mené à l’expédition de la rivière Rouge, au cours de laquelle le premier ministre John A. Macdonald a déployé des forces militaires pour affronter les Métis dans la colonie.
La tempête est utilisée ici comme une allégorie de la fin de l’innocence et le présage d’un malheur imminent, comme si elle représentait les menaces guettant l’existence des Autochtones après les événements de la rivière Rouge. Par ailleurs, plutôt que de dépeindre un conflit ou une rivalité, Monkman a décidé d’exploiter les toiles comme véhicules de réconciliation à travers une histoire d’amour. Le conte s’inscrit comme une métaphore des diverses histoires et relations entre les colons blancs et les peuples autochtones.
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Kent Monkman, The Fourth of March (Le quatre mars), œuvre tirée du triptyque The Trilogy of Saint Thomas (La trilogie de Saint-Thomas), 2004
Acrylique sur toile, 183,4 x 274,8 cm
Musée des beaux-arts de Montréal -
Kent Monkman, The Fourth of March (Le quatre mars), détail, œuvre tirée du triptyque The Trilogy of Saint Thomas (La trilogie de Saint-Thomas), 2004
Acrylique sur toile, 183,4 x 274,8 cm
Musée des beaux-arts de Montréal -
Kent Monkman, Not the End of the Trail (Pas la fin du sentier), œuvre tirée du triptyque The Trilogy of Saint Thomas (La trilogie de Saint-Thomas), 2004
Acrylique sur toile, 183,4 x 274,8 cm
Musée des beaux-arts de Montréal -
Kent Monkman, Not the End of the Trail (Pas la fin du sentier), détail, œuvre tirée du triptyque The Trilogy of Saint Thomas (La trilogie de Saint-Thomas), 2004
Acrylique sur toile, 183,4 x 274,8 cm
Musée des beaux-arts de Montréal
En jouant avec les conventions des œuvres du dix-neuvième siècle et en fusionnant réalité et fiction, Monkman projette ses propres récits dans des paysages qui sont en fait des sites de contact et de conflit. Historiquement, si l’on représentait les peuples autochtones dans l’art, ces derniers apparaissaient comme insignifiants ou minuscules par rapport au paysage. Dans cette œuvre, le couple fuit une tempête imminente, phénomène naturel omniprésent dans les peintures romantiques illustrant à la fois le pouvoir de la nature sauvage sur l’être humain et la menace de l’activité humaine sur l’environnement.
Les pièces The Fourth of March (Le quatre mars) et Not the End of the Trail (Pas la fin du sentier), toutes deux de 2004, complètent la trilogie. La première fait référence à l’exécution de Scott, un événement d’une grande portée politique, puisque déterminant pour l’avenir du peuple cri. Sa mort en 1870 a conduit le gouvernement canadien à envoyer des forces dans ce territoire, qui est devenu l’année même la province du Manitoba, et après l’entrée du Manitoba dans la Confédération, l’oppression fédérale des peuples autochtones s’intensifiera. Dans le dernier tableau, Miss Chief enterre son amant. Elle figure seule sur son cheval, une allusion à la manie des colonisateurs de comparer les peuples autochtones à « une race en voie de disparition ». L’image de Miss Chief dans cette composition est un écho délibéré à la sculpture End of the Trail (La fin du sentier), 1918, de James Earle Fraser (1876-1953), qui représente les peuples autochtones alors qu’ils sont sur le point de disparaître tragiquement du monde.