Lumière silencieuse No 11 1968-1969
Le vocabulaire de l’op art est parfaitement adapté au rendu d’un des arts décoratifs que Town affectionne : le sapin de Noël. Ses propres arbres sont légendaires, vu le nombre ahurissant de décorations qu’ils contiennent tourjours. Il réalise une série de peintures inspirées par le souvenir visuel d’un plancher jonché de boules de Noël cassées. Town accomplit ce tour de force technique avec un objectif complexe en tête : « J’étais intéressé par la problématique de la profondeur ultime et du caractère immuable de la surface bidimensionnelle. La toile est couverte d’infinités implicites”, dit-il en montrant le plus grand de ces tableaux, qu’il décrit comme son propre Vermeer. »
Comment Town peut-il établir un lien entre cette toile et l’œuvre de Johannes Vermeer (1632-1675)? Depuis longtemps, il s’intéresse à Piet Mondrian (1872-1944), bien connu pour son goût de l’ordre et de la structure. Maintenant, il se tourne vers Vermeer et Diego Velázquez (1599-1660), deux maîtres anciens dont les œuvres partagent les mêmes qualités, et qui faisaient également preuve d’une maîtrise du rendu de l’espace et de la lumière. Ici, Town entrelace des formes curvilignes aléatoires (des fragments des boules de verre cassées) avec l’éclat de surface caractéristique de l’op art, intégrant ces deux éléments dans une composition rigoureusement ordonnée. Dans Lumière silencieuse, une séquence de cadres concentriques attire le regard vers le centre du tableau, dans un mouvement de reflux, mais au centre se trouve une bande de lignes diagonales contrastant avec tant de force qu’elles réaffirment la planéité de la surface. Dans un essai de catalogue écrit en 1967 au sujet de Town, son galeriste Jerrold Morris résume les priorités émergentes de son œuvre de la fin des années 1960 : « Elle est caractérisée par une complexité maîtrisée par l’intelligence, et par un lyrisme contenu par la formalité. »