Énigme No 9 1964
En 1964, Town grave les plaques de métal d’un grand écran mural qu’on lui avait commandé pour l’Aéroport international de Toronto. Pour passer le temps pendant que l’acide fait son travail, il commence à dessiner. La figure qui émerge en est une qu’il avait déjà dessinée; dégoûté de s’être ainsi répété, il dessine un seau de pompier dans lequel est coincé le pied du personnage. S’adonnant à un jeu d’associations libres, il commence à canaliser ses sentiments et ses frustrations dans une série de dessins réalisés au moyen d’un stylet d’acier et d’un pinceau, employant des encres noire et blanche sur des papiers teintés gris, verts et marron. Les dessins témoignent d’une grande virtuosité et d’une variété de techniques, allant d’esquisses audacieuses à des images finement modelées. Des archétypes sociaux troublants et aisément reconnaissables émergent de son imagination, qu’il s’agisse d’hommes d’affaires surpris sans pantalons, de puissants nus féminins portant des hommes sur leurs épaules, d’hommes défilant en costumes de prêtres, de soldats ou de clowns.
Dans Énigme No 9, un homme et une femme sont couchés en sens contraires sur une civière d’hôpital. Avec une traînée de papiers dans son sillage et un chandelier au-dessus de sa tête, un chirurgien en patins à roulettes procède à une opération, dans le but, semble-t-il, de joindre le couple au niveau des genoux. S’agit-il d’une satire sur le mariage? sur la vénalité de la profession médicale? Comme le fait remarquer Robert Fulford : « Nous avons la possibilité de considérer non seulement les masses et les lignes, mais aussi les rêves et les cauchemars; en fait, nous avons la possibilité de nous pencher sur une histoire à la fois personnelle et intellectuelle. »