Ange rouge 1972

Gathie Falk crée ses premières performances en 1968 et Ange rouge, présentée pour la première fois en 1972, est l’une de ses dernières œuvres dans la discipline. Elle exprime l’intérêt de l’artiste pour l’exploration de stratégies musicales. Mettant en vedette une femme, cinq perroquets et une machine à laver, l’œuvre est essentiellement conçue sous forme de rondo, ou canon, une composition musicale qui alterne entre un refrain principal et des épisodes contrastés.

Les perroquets, posés sur des pommes en céramique attachées à des tourne-disques, et Falk, portant une longue robe de soirée blanche et des ailes surdimensionnées, chantent « Row, Row, Row Your Boat » dans un arrangement superposé répétitif où l’on reconnaît la comptine pour enfant. L’artiste est la dernière à ajouter sa voix au canon. À la fin de la chanson, elle retire sa robe blanche, révélant une robe en satin gris qu’elle porte en dessous. Une deuxième femme arrive avec une machine à laver à tordeur et entreprend de laver et d’essorer la robe blanche avant de quitter la scène. La pièce se termine avec une deuxième performance des perroquets et de Falk qui chantent la comptine en canon. Ce motif A-B-A des trois scènes constitue la forme du rondo. Ange rouge est présentée pour la première fois en 1972, dans le cadre d’une soirée d’œuvres d’art performance au Musée des beaux-arts de Vancouver, mais elle n’est pas filmée à l’époque. L’œuvre est enregistrée lorsque Falk la présente à nouveau, cette fois au centre Western Front, à Vancouver, le 1^er mai 1977.

Ange rouge repose sur une association surprenante d’images : perroquets en peluche, pommes en céramique, tourne-disques, nappes de soie rouge, robes de soirée et énormes ailes d’ange. Ces choix peuvent paraître absurdes, mais Falk nie toute intention délibérée. Elle affirme : « Pour certains spectateurs, tous ces efforts semblaient déployés dans le but de renverser l’ordre naturel des choses ou de scandaliser. Ce n’était pas le cas. Les activités que j’ai pratiquées allaient ensemble de la même mystérieuse façon qui fait que tous les éléments d’une œuvre d’art puissante s’harmonisent. »

Lorsque la performance est présentée pour la première fois, la critique Joan Lowndes, habituellement admiratrice du travail de Falk, reconnaît tout le soin consacré aux accessoires et aux costumes, mais trouve que la performance ne « décolle jamais ». Pourtant, dans son action, Falk recourt à un motif musical, le rondo, ou canon, qui donne à la pièce sa forme particulière, rendant l’œuvre si facile à décrire. C’est peut-être pour cette raison que, malgré cette première critique de Lowndes, l’œuvre est devenue la performance la plus diffusée de Falk.

A Bird Is Known by His Feathers Alone (Un oiseau se reconnaît uniquement par ses plumes), 1968 – une œuvre antérieure réalisée par Falk seulement six mois après avoir participé à un atelier présenté par la chorégraphe Deborah Hay (née en 1941) du Judson Dance Theater à New York –, est plus complexe dans son utilisation des accessoires et des costumes, de même que sinueuse dans la chorégraphie de ses actions. On y voit, par exemple, Falk qui se lave le visage et y applique du sirop doré Rogers; l’artiste Tom Graff (actif à partir des années 1970), ami de Falk et parfois partenaire de ses performances, qui crée un grand dessin avec de la cold-cream, du rouge à lèvres et de la poudre; ainsi que d’autres participants qui, de leur corps couché à plat ventre, poussent à travers la scène des verres à cocktails en plastique remplis de cerises et d’oranges en céramique. Tandis que la bande sonore d’Ange rouge apporte une certaine clarté malgré l’absurdité des actions menées, Lowndes décrit cette pièce précoce comme « une étude du processus et du caractère aléatoire ».