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Saskatoon 1954

Saskatoon

Eli Bornstein, Saskatoon, 1954

Gouache sur panneau enduit de gesso, 58,5 x 74 cm

Collection privée

Au début de sa carrière artistique, Eli Bornstein crée des œuvres figuratives. Cette gouache enjouée représente le Bessborough, l’un des grands hôtels ferroviaires canadiens de style château, qui ouvre ses portes en 1935. La composition est dynamique, instable, voire dansante. Elle rappelle que le jeune Bornstein a joué des percussions dans des groupes de jazz. Dans son journal intime, il se souvient comment l’improvisation jazz a stimulé ses premiers pas dans l’abstraction et a joué un rôle important dans la composition de ses reliefs structuristes.

 

Vue aérienne de la 21e rue Est, Saskatoon, 1955, photographie non attribuée, Bibliothèque publique de Saskatoon.
Lyonel Feininger, L’église du marché à Halle, 1930, 38 x 29 cm, Pinakothek der Moderne, Munich.

Même si Saskatoon est une composition fragmentée aux formes géométriques inclinées d’essence cubiste, ce n’est pas un rendu imaginaire. Au point de vue de la topologique, la composition est à peu près juste. La personne qui l’observe se trouve au milieu de la 21e Rue, l’artère commerciale principale de Saskatoon, et regarde vers l’hôtel, avec la gare du Canadien National qui s’élève derrière elle. En 1954, le Bessborough est encore le plus haut bâtiment de la ville. Au premier plan, au centre, à l’intersection de la 21e Rue et de la 2e Avenue, on voit le côté ouest de l’horloge à quatre faces du cénotaphe commémoratif de 1929 (déplacé en 1957 pour faciliter la circulation). L’hôtel règne sur une composition presque symétrique qui rappelle les images de l’artiste germano-américain Lyonel Feininger (1871-1956), en particulier son exultante église gothique d’inspiration cubiste, dans L’église du marché à Halle, 1930. À l’instar de Feininger, Bornstein peuple son paysage de petits bonhommes-allumettes (et de quelques voitures), en même temps qu’il couronne son édifice d’une auréole rayonnante. Toutefois, alors que la voix de Feininger est quelque peu retentissante – forte, puissante et autoritaire –, celle de Bornstein est légère et pétillante.

 

Paul Cézanne, Château noir, 1900/1904, huile sur toile, 73,7 x 96,6 cm, National Gallery of Art, Washington.
Eli Bornstein, Porte St-Denis, 1954, lithographie, 22,9 x 19,1 cm, collection privée.

La découverte du cubisme par Bornstein en 1954 est une conséquence quasi inévitable de son étude progressive du développement de l’art moderniste depuis l’impressionnisme. Son défi consiste à maîtriser sa propre progression, à trouver sa place en elle et finalement, à la faire évoluer. Tour à tour, Bornstein peint avec les coups de pinceau fragmentés des impressionnistes, puis il apprend du maître postimpressionniste Paul Cézanne (1839-1906) comment conférer forme et structure à l’impressionnisme et, enfin, il parvient à maîtriser le langage connu sous le nom de cubisme analytique, qui confond les méthodes traditionnelles de représentation de la profondeur, en fragmentant plutôt son sujet en réseaux quasi abstraits et peu profonds de plans interpénétrés.

 

Les panoramas urbains de Feininger influencent également les dessins parisiens de Bornstein, comme Porte St- Denis, 1954 (qui est également produit sous forme de lithographie). En outre, l’échafaudage fracturé sur la façade du bâtiment est une prémonition de la sculpture monumentale de Bornstein, Tree of Knowledge (Arbre de la connaissance), 1956.

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