Relief structuriste hexaplan no 2 1995-1998
Le célèbre Icebergs, Davis Strait (Icebergs, détroit de Davis), 1930, de Lawren S. Harris (1885-1970), date de l’été 1930, époque où l’artiste se rend dans l’Arctique en compagnie d’A. Y. Jackson (1882-1974). Pourtant, même si plus d’un demi-siècle les sépare, les visions nordiques créées par Lawren Harris et Eli Bornstein semblent provenir d’un même regard. Il y a ici une parenté, une résonance spirituelle entre chacune des interprétations du paysage glacé, même si les artistes sont issus de moments différents de l’histoire de l’art moderniste du vingtième siècle. La palette froide que chacun emploie enregistre de la même façon l’irisation, la fragilité, la limpidité et le silence qui sont caractéristiques de leur sujet nordique.
Bornstein crée les reliefs de la série Arctique entre 1986 et 1998, inspiré par ses expériences profondes dans l’Arctique. Relief structuriste hexaplan no 2 est le plus grandiose de cette série, par l’expressivité déployée dans le Plexiglas bleu transparent. Comme l’explique l’artiste, l’idée d’utiliser du Plexiglas coloré translucide lui vient dès son deuxième jour à l’île d’Ellesmere, le 26 juillet 1986, frappé par la façon dont les icebergs reflétés dans l’eau produisent des images en miroir. L’insertion de Plexiglas transparent et coloré au milieu de parties en relief peintes à l’émail a pour effet non seulement d’ajouter une qualité de couleur supplémentaire à l’espace et aux formes de ces dernières, mais aussi de les refléter avec une nouvelle profondeur. Le Plexiglas bleu accentue la sensation de glace dans la palette déjà froide du relief.
Si les œuvres nordiques de Harris et Bornstein semblent parentes, elles présentent également des différences. L’objectif d’Icebergs, détroit de Davis de Harris, comme l’exprime l’artiste, est de transmettre une illumination spirituelle, la « vision simple des choses élevées » de l’âme. Harris est un observateur attentif de la nature, mais il aspire à transcender les simples apparences, grâce à des effets de stylisation influencés par l’Art déco qui distillent la nature en icône archétypale. Là où Harris idéalise la nature, émerveillé par ses éternités, Bornstein s’en rapproche, tel un naturaliste, pour enraciner son travail dans une étude intime des processus naturels en évolution constante. Les six plans de fond qui zigzaguent dans Relief structuriste hexaplan no 2 peuvent suggérer quelque chose d’énorme et d’intemporel, mais simultanément, Bornstein recrée pour le public le sentiment d’un examen en plan rapproché : il donne l’impression d’être là, sur le terrain, comme au premier instant de la découverte.