Relief structuriste no 2 1966
La plupart des reliefs structuristes, qu’ils soient d’Eli Bornstein ou de ses collègues, ont tendance à projeter leurs compositions en relief tridimensionnel à partir d’un arrière-plan neutre et inexpressif. Bornstein commence à remettre en question les limites imposées par cette façon de composer dans un nouvel ensemble de reliefs, la série Sea (Mer), qu’il conçoit initialement en 1964 lors d’un séjour estival sur la côte de la Californie du Sud, et qu’il continue de développer pendant plusieurs années. Il aspire à interrelier plus étroitement la figure et le fond, comme dans l’éclatante journée d’été de Relief structuriste n° 2, où l’artiste insère dans sa composition deux larges plans de bleu, l’un au-dessus de l’autre, l’un plus clair et l’autre plus foncé (des allusions à la mer et au ciel), étalés à plat derrière le jeu en Technicolor de minces éléments en relief qui se détachent nettement au-devant.
Ces deux plans s’harmonisent avec le fond blanc tout en étant activés de façon formelle et chromatique par les éléments en relief qui se trouvent devant eux et auxquels ils sont intégrés. Ils jouent également un rôle expressif qui leur est propre. Si l’arrière et l’avant fusionnent dans la composition, les deux plans bleus plats, eux, se meuvent à leur propre rythme. Ils sont larges et étalés, modérés et lents, leur calme contrastant nettement avec l’agitation qui règne au premier plan. C’est comme si – et cela aura une importance dans les futurs multiplans – Bornstein veut créer un face-à-face entre deux différents tempos de l’expérience perceptive, deux dimensions indépendantes de temps et de l’espace : le lointain contre le proche, la réflexion méditative freinant le ravissement immédiat.
La vue en angle proposée par l’image qui accompagne Relief structuriste no 2 et celle de Multiplane Structurist Relief V, No. 1 (Relief structuriste multiplan V, no 1), 1993, créé ultérieurement, dans lequel les plans mauve et bleu sont légèrement inclinés vers l’extérieur du fond blanc, illustrent toutes deux l’importance de se déplacer pour observer un relief structuriste sous différents angles. De face, les plans avancés paraissent minces et pointus, mais de côté, les plans latéraux qui n’existent pas en peinture, arborent leurs couleurs. Il n’y a pas d’endroit idéal où se tenir. Comme pour la sculpture, de nouvelles données visuelles sont révélées lorsque l’on change de position. Sa collègue structuriste Elizabeth Willmott (née en 1928) résume bien cette idée en affirmant que « comme dans la vie, le meilleur point de vue n’existe pas ».