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L’île 1956

L'île

Eli Bornstein, The Island (L’île), 1956

Aquarelle sur papier, 53,5 x 74 cm

Collection de l’artiste

L’île est la dernière aquarelle figurative peinte par Bornstein avant qu’il ne se lance dans la construction de reliefs purement abstraits. Travaillant sur la côte du Maine, il élabore un paysage composé d’arbres, de rochers et d’eau à l’aide d’un vocabulaire de taches rectangulaires semi-transparentes de taille similaire. Les variations de lignes vertes, brunes et bleu-gris définissent les éléments naturels, mais le reste de la matière se dissout dans une lumière chatoyante, l’île paraissant tel un mirage émergeant de la brume.

 

Piet Mondrian, Compositions avec plans de couleur 2, 1917, huile sur toile, 48 x 61,5 cm, Museum Boijmans van Beuningen, Rotterdam.

Bornstein intègre les différentes leçons des principaux mouvements modernistes européens – l’impressionnisme, le postimpressionnisme et le cubisme – apprises au cours des cinquante années précédentes dans L’île. Le cubisme lui permet d’organiser les couleurs pastel en un motif décoratif dynamique et très serré, comme il le fait dans Saskatoon. Dans L’île, c’est tout autre chose qui se passe, alors que Bornstein défait tout cela pour répartir uniformément, dans son plan, les éléments qui sont désormais individualisés et de taille similaire, et qui couvrent tout le fond, jusque dans les moindres recoins du papier blanc.

 

On ne le remarque peut-être pas à première vue, mais Bornstein relève ici un nouveau défi, celui entrepris par l’artiste hollandais Piet Mondrian (1872-1944), qui est lui-même passé de la représentation à l’abstraction à la fin des années 1910. Pour les dispersions de L’île, Bornstein s’inspire sans aucun doute d’une série de peintures de Mondrian de 1917 intitulée Compositions avec des plans de couleur 2. Il est raisonnable de le supposer, car dans un article publié en 1958 dans la revue Structure, Bornstein juxtapose la Composition de Mondrian à l’un de ses premiers reliefs, soulignant l’importance de celui-ci à cet instant précis de son évolution artistique. Dans sa série, Mondrian déploie un assemblage de petits rectangles aux teintes atténuées, rouges, jaunes et bleus, qu’il répartit uniformément sur un fond blanc. Imparfaits, les rectangles présentent une irrégularité qui les fait vaciller légèrement, comme ceux de L’île, et qui donnent à penser qu’ils existent encore dans ce qui pourrait être la dernière reconnaissance furtive de l’espace illusionniste chez Mondrian.

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