Construction en aluminium [Arbre de la connaissance] 1956
En 1956, Construction en aluminium [Arbre de la connaissance] est la première œuvre publique abstraite à être installée à Saskatoon. La réaction initiale du public, telle qu’exprimée dans des lettres adressées au quotidien Star-Phoenix, est marquée par « l’indignation, la colère et l’hostilité ». Il est possible que le public n’aime pas l’art abstrait, qu’il n’en veuille pas, ou qu’il ne le comprenne pas. Beaucoup de gens demandent le retrait de l’œuvre et exigent que l’artiste soit licencié par l’Université de la Saskatchewan. Eli Bornstein est alors en congé sabbatique en Europe et en son absence, une seule personne prend publiquement sa défense : le musicien et compositeur Murray Adaskin (1906-2002). Bornstein raconte qu’il « a défendu la validité de l’art abstrait aussi vaillamment qu’il avait défendu la nouvelle musique ». En 1963, malgré quelques réserves, le critique américain Clement Greenberg (1909-1994), en tournée dans les Prairies pour la revue Canadian Art, qualifie la « conception globale » de l’œuvre Arbre de la connaissance de « magnifique », concluant que « l’artiste qui en est l’auteur, qu’il réussisse ou qu’il échoue, n’est rien de moins qu’un artiste majeur ».
L’œuvre Arbre de la connaissance a été commandée pour le nouveau bâtiment de la Fédération des enseignants et des enseignantes de la Saskatchewan, situé au 902 croissant Spadina Est et conçu par l’architecte de Saskatoon Tinos Kortes (1926-2014), qui a également recommandé Bornstein pour ce projet. La sculpture est fabriquée à Regina, où l’on dispose de l’équipement nécessaire pour souder l’aluminium, puis expédiée à Saskatoon. Plus tard, en 1969, l’œuvre est transférée dans le nouveau bâtiment de la fédération du 2317 avenue Arlington.
À titre de sculpteur, Bornstein avait jusqu’à présent principalement travaillé le bois et la pierre, observant fréquemment l’œuvre de l’artiste roumain Constantin Brâncuși (1876-1957), en accordant une attention spéciale à ses simplifications formelles et à sa sensibilité aux matériaux. Par contre, Arbre de la connaissance, avec son échafaudage interne complexe et ses plaques d’aluminium réfléchissantes en saillie, démontre l’influence du constructivisme russe. Les sculptures constructivistes, comme Constructed Head No. 2 (Tête construite no 2), 1923-1934, de Naum Gabo (1890-1977), sont généralement assemblées ou construites avec des matériaux industriels non traditionnels comme le métal et le plastique.
C’est lors d’un séjour à New York que Bornstein imagine son Arbre de la connaissance et commence sa transition du travail de la matière à la construction métallique ajourée. Dans les premiers modèles de sa sculpture, il pousse des plans métalliques rectangulaires réfléchissant la lumière vers l’espace extérieur à partir d’un noyau intérieur plus volumineux, dans une configuration suggérant quelque chose qui ressemble à des grains de pollen relâchés de l’étamine d’une fleur géante. Il utilise le laiton et le bronze, des métaux qu’il connaît déjà pour avoir suivi des cours de bijouterie à l’université. Dans les modèles suivants, il dissout le lourd noyau central en une structure aérienne qui évolue ensuite vers la construction d’envergure finale, en aluminium soudé de 4,58 mètres de haut.
Arbre de la connaissance s’inscrit dans la tradition de l’abstraction cubiste, ses configurations dérivant de la déconstruction des apparences du monde visuel; on ne doit pas l’interpréter comme une sculpture abstraite pure. Ses composantes formelles ont déjà été annoncées dans des dessins réalisés quelques années plus tôt – dont Porte St-Denis, 1954 – inspirés par l’artiste germano-américain Lyonel Feininger (1871-1956). Or, le sujet est maintenant le monde naturel plutôt que le monde urbain : les rectangles atmosphériques flottant librement que l’on voit dans l’aquarelle contemporaine The Island (L’île), 1956, jaillissent ici sous forme de plaques d’aluminium scintillantes dynamisées par la lumière réelle. L’ensemble structurel est une refonte géométrique de l’anatomie d’un conifère, avec son réseau de branches, étagées et retombantes, et sa croissance naturelle exprimée par l’agitation rythmique de l’ombre et de la lumière.