Vue de l’Hôpital général de Toronto 1931
McCarthy peint cette toile depuis la chambre de sa mère, située au quatrième étage de l’Hôpital général de Toronto, en regardant vers le sud l’hôtel Royal York qui vient d’ouvrir ses portes et l’imposant édifice de la Banque Canadienne Impériale de Commerce, qui est à l’époque la plus haute structure du Commonwealth. L’œuvre présente une interprétation intrigante du paysage urbain de Toronto, avec des couleurs et des formes claires au premier plan, une régression diagonale inhabituelle au milieu de l’image et un arrière-plan en grisaille. Avec son jeu d’ombre et de lumière au premier plan qui cède la place à la brume au loin, l’image offre un exemple classique de perspective atmosphérique. Bien qu’elle ressemble à certaines peintures des maisons de Toronto réalisées par Lawren S. Harris (1885-1970), les couleurs ne sont pas aussi vives – un écho de la formation académique que McCarthy a reçue au Ontario College of Art (aujourd’hui l’Université ÉADO), notamment de John William Beatty (1869-1941); comme elle le fait remarquer, « il a fallu des années pour s’affranchir de la couleur Beatty ». La forte régression en diagonale est inusitée pour constituer une vue de ville à l’époque, plus habituée aux compositions déclinant les structures de face.
Dans le tableau, le point de vue élevé rappelle certaines images de l’Estaque et d’autres régions du Sud de la France signées par Paul Cézanne (1839-1906), par exemple, Gardanne, 1885-1886. Comme beaucoup d’autres paysagistes du Canada, McCarthy exploite fréquemment le point de vue surélevé et l’horizon en hauteur dans ses œuvres (sauf dans ses images des prairies et de Haliburton), peut-être pour éviter la difficulté de manier la perspective dans les grands espaces. En outre, McCarthy semble s’approprier le coup de pinceau caractéristique de Cézanne, notamment dans le rendu du ciel et le traitement des bâtiments.
Lorsque McCarthy présente sa Vue de l’Hôpital général de Toronto à l’exposition annuelle de la Ontario Society of Artists en mars 1931, l’œuvre est acceptée – il s’agit de sa première participation à une exposition avec jury. Pearl McCarthy, (sans lien de parenté avec l’artiste), critique d’art au Globe and Mail, qualifie l’œuvre de « toile majeure », fruit d’un « travail honnête ». L’auto-évaluation de McCarthy est beaucoup moins généreuse; elle écrit avoir « honte » de son tableau. Comme beaucoup d’artistes, McCarthy est sa plus sévère critique et elle est rarement satisfaite de l’œuvre aboutie.