Rockglen, Saskatchewan 1983
Cette remarquable aquarelle représente une gare et deux silos à grains en périphérie de Rockglen au premier mois du printemps. À l’arrière-plan, les collines situées au nord-ouest de la ville marquent le début des badlands de la Saskatchewan. La peinture évoque l’isolement et la froidure de l’endroit. L’air vif fait ressortir les bâtiments ponctués par les congères et le ciel bleu-violet qui s’estompe pour devenir blanc crème. Comme on peut s’y attendre dans les Prairies canadiennes, l’image est dominée par un ciel ouvert.
Cette peinture est le fruit du hasard. McCarthy et deux compagnes louent un VR pour se rendre de Toronto aux badlands de l’Alberta, où Wendy Wacko doit filmer McCarthy en train de peindre pour le documentaire de 1983 qu’elle lui consacre. Le voyage est marqué par des conditions météorologiques défavorables ainsi que des incidents mécaniques, et l’arrêt forcé en Saskatchewan « [leur] donne quatre jours à passer, suffisamment pour goûter à la peinture des prairies, ce qui s’est avéré être un réel avantage ».
Sur le plan de la composition, Rockglen, Saskatchewan, a dû constituer un défi, car la scène est dépourvue de formes similaires permettant la répétition des motifs qu’apprécie McCarthy. De plus, l’œil ne peut se raccrocher à un passage en zigzag qui permettrait de cheminer du premier plan vers le fond. L’artiste choisit de représenter la ligne de la route fuyant vers le nord qui mène de la gare à gauche aux collines au loin. Ces collines dirigent ensuite le regard vers le tiers inférieur de l’image, où le bleu-violet du ciel se répète avant de s’évanouir à l’infini. Rockglen, Saskatchewan est un exemple exceptionnel du talent de McCarthy dans la composition de l’espace de l’œuvre : « L’espace est l’une de mes obsessions, dit-elle, et je trouve généralement mon inspiration en regardant au loin. » La ville de Rockglen lui fournit l’avant-dernière scène dans laquelle elle peut mettre cette obsession à l’épreuve. À bien des égards, l’aquarelle de McCarthy rappelle les célèbres scènes de prairies de Lionel LeMoine FitzGerald (1890-1956).