Iceberg inventé no 9 1973
Comme l’indique son titre, cette œuvre n’est pas la représentation d’un lieu spécifique, mais une fantaisie naturaliste inspirée des expériences de McCarthy dans l’Arctique canadien. Elle montre trois blocs de glace flottants au premier plan, un grand iceberg translucide au milieu et des montagnes en arrière-plan. L’image est peinte dans des tons bleu-vert, avec des touches de gris foncé, de blanc et de blanc cassé. Libre de composer l’œuvre à sa guise, McCarthy introduit les mouvements en zigzag oscillant de l’avant vers l’arrière qu’elle a appris auprès de Hortense Gordon (1886-1961). Le contraste entre l’opacité de la banquise et la transparence de l’iceberg permet à l’artiste de saisir la lumière rayonnante et les couleurs des eaux environnantes. Cette translucidité renforce également la qualité temporelle de l’iceberg par rapport aux montagnes situées derrière.
McCarthy visite l’Arctique pour la première fois avec sa collègue Barbara Greene (1917-2008), peu après avoir pris sa retraite de la Central Technical School en 1972. Cet été-là, elles se dirigent vers le nord, s’arrêtant d’abord à Resolute Bay avant de continuer vers Eureka, Grise Fiord et Pond Inlet. Dans les années qui suivent, les icebergs sont un motif récurrent dans l’œuvre de McCarthy, devenant même son sujet le plus distinctif.
Un responsable gouvernemental de la région, John Scullion, et son épouse, Joan (Colly) Scullion, se lient d’amitié avec les artistes et le couple devient un grand collectionneur des œuvres de McCarthy. Lorsque John organise une excursion en traîneau à chiens pour leur permettre de voir un iceberg, McCarthy a le coup de foudre : « Je suis devenue folle des icebergs et j’ai commencé à imaginer des formes de glace. » Elle voit en fait son premier iceberg en 1936 à son retour d’Angleterre. Après ce premier périple de 1972 dans l’Arctique, elle y retourne les cinq années suivantes et effectue plusieurs voyages au cours des années 1980 et 1990, le dernier datant de 2004.
Iceberg inventé no 9, fait partie d’une série de soixante œuvres qui témoignent manifestement des leçons tirées des paysages hard-edge des années 1960 et du début des années 1970. Bien que McCarthy réussisse à peindre beaucoup d’œuvres en plein air, les conditions sont souvent exigeantes. Elle ne peut pas utiliser d’acryliques ou d’aquarelles parce qu’elles gèlent, et même les huiles finissent par durcir. Peindre les fantaisies est une façon de résoudre le problème.
Les peintures arctiques de McCarthy sont souvent comparées à celles de Lawren S. Harris (1885-1970) – une analogie qui irrite la praticienne. Les images de Harris sont beaucoup plus sculpturales et stylisées, alors que celles de McCarthy semblent plus naturelles et organiques, jouant avec les qualités de la neige et de la glace. Contrastant son approche du paysage arctique avec celle de Harris, elle déclare sur ses œuvres : « Les miennes sont moins abstraites, plus chaleureuses et plus tendres. »