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La suite Christophe Colomb 1990

La suite Christophe Colomb

Vue d’installation de l’œuvre de Carl Beam, The Columbus Suite (La suite Christophe Colomb), 1990

Ensemble de douze eaux-fortes sur papier d’Arches (onze représentées), chacune 83,8 x 109,2 cm (en format paysage) ou 109,2 x 83,8 cm (en format portrait) 

Museum of Contemporary Art, Toronto

© Succession Carl et Ann Beam/CARCC Ottawa 2024

La suite Christophe Colomb est l’œuvre imprimée la plus ambitieuse de Carl Beam. Elle comporte douze eaux-fortes produites dans son atelier de M’Chigeeng, sur l’île Manitoulin. Commencée en 1990 en réponse au 500e anniversaire de l’arrivée de Christophe Colomb sur les rives de l’île de la Tortue, elle présente une imagerie complexe revêtant une variété de significations. Juxtaposant des images apparemment sans lien entre elles, Beam critique le privilège du rationalisme comme forme supérieure de connaissance, l’héritage tragique des pensionnats, les impacts catastrophiques de la colonisation européenne sur les peuples autochtones de l’île de la Tortue, ainsi que l’influence persistante du génocide et du racisme. La suite fait partie d’une initiative plus large intitulée The Columbus Project (Le projet Christophe Colomb), un corpus que Beam commence à développer après la réunion du pensionnat Garnier en 1988.

 

Carl Beam, The Unexplained (L’inexplicable), 1989, émulsion photographique et techniques mixtes sur toile, 213,4 x 152,4 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa. © Succession Carl et Ann Beam/CARCC Ottawa 2024.
Carl Beam, The Proper Way to Ride a Horse (La bonne façon de monter à cheval), œuvre tirée de The Columbus Suite (La suite Christophe Colomb), 1990, eau-forte sur papier d’Arches, 109,2 x 83,8 cm, Musée des beaux-arts de l’Ontario, Toronto. © Succession Carl et Ann Beam/CARCC Ottawa 2024.

La première des douze eaux-fortes est New World (Nouveau Monde), 1990, dont l’image centrale est une tortue, emblème totémique du continent nord-américain. Sortant de l’espace illusoire, la tortue plonge son regard dans celui de la personne spectatrice; sa tête se tourne vers notre monde. Le champ visuel complexe comprend également des mots peints au pochoir, des lignes ressemblant aux portées d’une partition musicale ou la page d’un cahier ligné, des traînées d’encre ressemblant à des gouttes, ainsi qu’une série d’autres lignes et marques, parmi lesquelles un message presque illisible – écrit en cursive – à l’intention de Christophe Colomb lui-même : « Dear Columbus / the voyage was probably / doomed from the beginning— / the spirit [reviews?] the / unknown factor, the, the / in which etc etc / this will [Cher Colomb / le voyage était probablement / voué à l’échec dès le début— / l’esprit [examine?] le / facteur inconnu, le, le / dans lequel etc. etc. / cela sera.] ».

 

Les traces et les signes établissent tous un contexte – une polémique visuelle – qui est défini et renforcé dans les onze estampes suivantes. Les figures qui apparaissent dans les œuvres, notamment Jésus-Christ, Louis Riel, Sitting Bull, Abraham Lincoln, Martin Luther King et John F. Kennedy, ont été persécutées et exilées; elles font partie des personnes martyres les plus vénérées de l’histoire. Ce récit épisodique, présent dans toute la série d’estampes, a été qualifié de « tragédie colossale, de luttes culturelles non résolues liées à la race ». Beam obtient cet effet grâce à un mélange de solennité et d’humour, en juxtaposant radicalement, par exemple, une double image d’un danseur apache Gaan encapuchonné avec une représentation de la Pietà dans l’estampe The Unexplained (L’inexplicable), 1989. Dans The Proper Way to Ride a Horse (La bonne façon de monter à cheval), 1990, il place l’image d’un ethnologue nu, Frank Cushing (1857-1900), à califourchon sur un chevalet de sciage, à côté des portraits de Mistahimaskwa (Big Bear), Louis Riel, Geronimo et Tatanka Iyotake (Sitting Bull). Ces images symbolisent le projet qui animera Beam toute sa vie : restaurer les connaissances et l’identité autochtones occultées par les récits européens.

 

L’artiste déclare à propos de cette série d’estampes qu’« un acte de foi égale un acte de foi », comme s’il s’agissait d’une aspiration. Ces œuvres sont compilées comme pour compter les points : plus un, moins un. D’une certaine manière, ces images prennent le statut des koans que Beam affectionne tant pour susciter la réflexion.

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