Corbeau 1983
Dans Corbeau, des images collées d’un corbeau et de trois cartes à jouer sont bordées de motifs qui rappellent ceux des récipients en terre cuite fabriqués par les Mimbres, un ancien peuple du sud-ouest du Nouveau-Mexique. Le bol a été confectionné à l’aide de matériaux traditionnels et suivant des méthodes de fabrication à la main (non tourné au tour de poterie). Cet exemple significatif de l’innovation de Carl Beam dans le domaine de la céramique illustre sa maîtrise de différents moyens d’expression et la nature interdépendante de sa pratique créative. Les céramiques de Beam combinent plusieurs méthodes, techniques et modes de représentation, juxtaposant des images apparemment sans lien provenant de différentes cultures, à l’instar de ses compositions peintes, en utilisant des transferts d’émulsion photographique, des décalcomanies, des symboles peints et des textes manuscrits.
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Ann avec Anong Migwans Beam près d’un puits de prière au Nouveau-Mexique, 1980
photographie de Carl Beam
© Succession Carl et Ann Beam/CARCC Ottawa 2024
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Les pièces en céramique de Carl et Ann Beam, s.d.
photographie de Carl Beam
© Succession Carl et Ann Beam/CARCC Ottawa 2024 -
Carl Beam, Opus Nova, 1983
pigment minéral naturel sur poterie non émaillée, 13 x 35,5 cm
Musée canadien de l’histoire, Gatineau
© Succession Carl et Ann Beam/CARCC Ottawa 2024
Bien que Beam ait étudié la céramique avec Frances Maria Hatfield (1924-2014) à l’Université de Victoria, cette pratique ne résonne pas immédiatement chez lui. « La formation était excellente, expliquera-t-il plus tard, mais j’avais toujours l’impression que je ne pouvais pas exprimer ce que je voulais avec l’argile. J’explorais, j’étais audacieux, parfois créatif, mais je n’arrivais pas à traduire ce que je ressentais. Je n’avais pas ce problème quand je peignais sur la toile. » Ce n’est qu’au début des années 1980, après l’installation de Carl, sa femme Ann et leur petite fille Anong dans le Sud-Ouest américain, que l’artiste intègre pleinement la céramique à sa pratique de manière profonde et significative.
Au Nouveau-Mexique, Beam est inspiré par le graphisme puissant des céramiques mimbres et d’autres peuples ancestraux pueblos, qu’il qualifie d’« audacieux et aventureux ». Les surfaces contrastées de ces récipients – rugueuses à l’extérieur et lisses à l’intérieur – le séduisent à tel point qu’il reproduit ces caractéristiques dans son œuvre. Les pièces de Beam, qui évoquent des motifs historiques et sont imprégnées de sa propre imagerie, exigent du public qu’il participe activement à la signification de l’œuvre. En travaillant sur les formes traditionnelles de Corbeau et d’autres récipients, tels qu’Opus Nova, 1983, Beam explore les tensions entre l’histoire et le présent, de même qu’entre l’artisanat et les beaux-arts. Avec la céramique, il découvre qu’il peut décrire « un univers en soi où tout peut arriver – les créations sont illimitées ».
La création de céramiques est sans doute un aspect moins connu de la pratique artistique de Beam, et pourtant, il s’agit d’un travail très personnel, qui implique souvent une collaboration avec les membres de sa famille. Ann et Anong exposent parfois leurs céramiques avec celles de Carl; en octobre 2004, une exposition complète des poteries de la famille Beam est d’ailleurs organisée par la Canadian Clay & Glass Gallery à Waterloo, en Ontario. Bien que Carl soit inspiré par diverses pratiques créatives – de la poterie japonaise raku de style wabi à l’exquise poterie noire conçue au Santa Clara Pueblo – au fil du temps, il en vient à considérer que la céramique fait partie intégrante de la réaffirmation des traditions florissantes anishinaabeg et ojibwe, longtemps ignorées par la recherche. Grâce à la céramique, Beam trouve un moyen unique de revendiquer la nécessité de modes d’expression plus malléables.