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Vers le feu 1985

Vers le feu (1985)

Betty Goodwin, Moving Towards Fire (Vers le feu), 1985

Huile et pastel acrylique, 700 x 1 250 cm

Montréal

Betty Goodwin réalise cette œuvre sur le site de l’exposition historique de 1985, Aurora Borealis, organisée dans un complexe commercial désaffecté du centre-ville de Montréal. L’exposition réunit plus de trente artistes de partout au Canada, notamment, Michael Snow (1928-2023), Jeff Wall (né en 1946), le collectif General Idea (actif 1969-1994), Geneviève Cadieux (née en 1955) et Vera Frenkel (née en 1938). Presque l’ensemble des artistes installent des œuvres récentes, dont beaucoup ne sont destinées à exister qu’au cours des treize semaines de l’événement, salué par la critique, qui deviendra à l’époque une mesure de la vitalité de l’art de l’installation au Canada. Dans le magazine Maclean’s, Gillian MacKay qualifie l’exposition de « jalon en art contemporain ».

 

La pièce de Goodwin traduit sa sensibilité aiguë aux attributs psychologiques et physiques de l’espace brut, de même que son intérêt renouvelé pour la figure. Sur les murs, elle réalise de grands dessins percutants, en incorporant les éléments architecturaux visuellement dominants de l’espace. Alors que nombre d’artistes auraient préféré un espace plus simple et plus propre, Goodwin réagit aux particularités de l’espace tel qu’elle le trouve, en intégrant ses compositions murales pour l’unifier et l’animer. Elle considère ce projet comme une continuation de ses dessins de figures nageant, qui l’ont préparée à concevoir des personnages imposants à grande échelle.

 

Goodwin se laisse inspirer par les tuyaux bien en vue qui traversent le plafond, des conduits d’énergie qui, bien qu’ils soient des parties exposées de l’infrastructure mécanique du bâtiment, pourraient être considérés comme un système organique vital au sein de l’œuvre. Goodwin fait naître une présence animée et corporelle en repensant le plus grand conduit, un conduit de chauffage gainé d’un matériau isolant argenté, qui semble provenir d’une salle mécanique voisine, et en peignant en rouge son joint courbé pour donner l’impression d’une plaie pansée. Mettant à profit les qualités spectaculaires inhérentes à l’espace, elle crée une atmosphère apocalyptique décrite comme étant étrangement menaçante ou rappelant celle d’une grotte.

 

La grande figure qui domine la scène est projetée à travers le mur tandis qu’une petite figure, jaillissant de sa bouche, est expulsée dans une violente expiration. Sur le côté gauche de cette composition, une forme rouge s’accroche au dos de la grande figure alors qu’elle est doublée ou dépassée sur la droite par de lourdes et épaisses jambes noires qui la poussent avec force à travers l’espace comme dans une fuite désespérée. Tel que décrit par le commissaire d’exposition et critique Robert Storr : « […] les deux parties de cette intrigante image composite sont animées d’un dynamisme absent des dessins plus limpides, teintés de mélancolie, qui les précédaient. » La représentation d’un corps qui soutient, ou au contraire qui est repoussé vers le bas par un autre – un motif récurrent dans les dessins de Goodwin, tels que Swimmers (Figures nageant), 1984 – apparaît ici, soulignant la violence implicite dans les séries de dessins subséquentes où la figure est représentée comme le sujet de l’oppression.

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