Le projet de la rue Mentana 1979
Réalisé sur une période de deux ans, Le projet de la rue Mentana marque un tournant majeur dans la pratique de Betty Goodwin. Il s’inscrit à une époque où les installations spécifiques au site, composées de plusieurs éléments, deviennent courantes à titre d’approche plus ouverte et plus dynamique de la création artistique.
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Betty Goodwin, The Mentana Street Project (Le projet de la rue Mentana), détail, 1979
Plâtre, mine de plomb et cire sur mursMontréal
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Betty Goodwin, The Mentana Street Project (Le projet de la rue Mentana), détail, 1979
Plâtre, mine de plomb et cire sur mursMontréal
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Betty Goodwin, The Mentana Street Project (Le projet de la rue Mentana), détail, 1979
Plâtre, mine de plomb et cire sur mursMontréal
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Betty Goodwin, The Mentana Street Project (Le projet de la rue Mentana), détail, 1979
Plâtre, mine de plomb et cire sur mursMontréal
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Betty Goodwin, The Mentana Street Project (Le projet de la rue Mentana), détail, 1979
Plâtre, mine de plomb et cire sur mursMontréal
Pour réaliser cette œuvre, qui sera exposée du 9 novembre au 22 décembre 1979, Goodwin réaménage un appartement vide au rez-de-chaussée d’un immeuble à Montréal appartenant à son galeriste, Roger Bellemare. Dans ces pièces inoccupées, elle peut travailler intuitivement et expérimenter en toute liberté, pour s’engager pleinement dans le processus, à son propre rythme. Après avoir décollé le papier peint et appliqué du gesso sur les murs, Goodwin souligne méticuleusement leur surface, déposant de la mine de plomb sur les imperfections pour créer un voile subtil de preuves de vie passée. Aidée de son assistant, Marcel Lemyre (1948-1991), elle découpe et élargit une entrée entre deux pièces, amenant la lumière à la faveur d’un passage étroit qu’elle construit et tapisse d’argile, et dont elle orne l’extérieur de peinture dorée. Ce passage, qui relie une pièce du fond au salon lumineux à l’avant, ressemble aux entrées étroites des tombes antiques. Il se termine par l’évocation d’une chambre intérieure, constituée d’un rectangle de poutres en bois empilées, comme celles, enduites de chaux blanche, utilisées pour construire les maisons de cette époque dans le quartier. Par ses interventions percutantes dans Le projet de la rue Mentana, Goodwin initie le thème du passage qui sera repris dans plusieurs installations subséquentes.
L’espace lui-même devient l’« objet trouvé » sur lequel Goodwin réalise des interventions spécifiques au site dans l’appartement de la rue Mentana et dans plusieurs autres lieux à partir de la fin des années 1970. L’art qui n’est plus lié à un seul moyen d’expression ou investi dans un objet indépendant prolifère également à l’échelle internationale. De manière significative, nombre d’artistes – notamment Gordon Matta-Clark (1943-1978), Irene F. Whittome (née en 1942), Martha Fleming (née en 1958) et Lyne Lapointe (née en 1957) – choisissent de travailler en dehors des contraintes du musée, qui privilégie la permanence et la préservation de l’histoire. Goodwin est consciente de ces développements et, alors qu’elle travaille sur Le projet de la rue Mentana, elle lit, entre autres, La poétique de l’espace (1958, publié en anglais en 1968) de Gaston Bachelard (1884-1962).
Goodwin parle de ce projet comme d’une réflexion sur l’espace, une exploration de ses qualités inhérentes et de ses réactions intuitives à leur égard : « Ce que j’essaie de faire, c’est d’ajouter à ce qui est déjà là tout en créant de nouvelles structures reliées aux pièces et qui traitent de la lumière et de l’échelle. Cette installation est le résultat d’une sorte d’association de l’énergie ambiante et de mon état émotif intellectuel particulier qui entraîne mon travail dans des régions dont je ne prends conscience qu’au cours du processus de création. »
Dans Le projet de la rue Mentana, l’absence cède la place à une présence chargée d’émotion. Les transformations apportées par Goodwin permettent à l’artiste et au public d’entrer en contact avec l’atmosphère de vie qui persiste dans cet espace domestique laissé récemment vacant. Lorsque la résidence est ouverte au public, elle y passe plusieurs heures par jour comme gardienne, accueillant les personnes qui souhaitent s’entretenir avec elle. « Il m’a semblé naturel de m’asseoir là, dit-elle. Tout allait bien. Je ne me suis jamais sentie dérangée ou mal à l’aise lorsque des gens venaient discuter de l’œuvre. Ce serait très différent dans un musée. » Ce projet débouche sur des invitations à réaliser d’autres installations importantes au Canada et à l’étranger, au cours d’une période de cinq ans remarquablement féconde pour Goodwin.