Ron Noganosh
L’artiste Ron Noganosh (1949-2017), un Anishinabeg (Ojibwe) de la Première Nation Magnetewan, confie un jour : « Quand les gens me questionnent sur le fait d’être un artiste indien, ils me parlent toujours de perles et de plumes. Pour cette œuvre, j’ai dit d’accord et j’ai fait une pièce, un bouclier de guerrier, avec des canettes de bière écrasées. » Par l’œuvre Bouclier pour un guerrier moderne, ou les concessions aux perles et aux plumes dans l’art indien, l’artiste tire parti d’un langage visuel traditionnel pour exprimer sa certitude que l’alcool est devenu un bouclier pour les peuples autochtones qui souffrent depuis des siècles du déplacement et de la perte. L’œuvre de Noganosh reflète ses convictions politiques profondes, qu’il exprime tout au long de sa carrière d’artiste, d’activiste et de mentor.
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Gerald McMaster, Bases Stolen from the Cleveland Indians and a Captured Yankee (Des bases volées aux Indians de Cleveland et un Yankee capturé), 1989
Tiges en bois, bases de baseball peintes, cuir, casquette de baseball, 159,5 cm
Collection McMichael d’art canadien, Kleinburg -
Jeff Thomas, First Spike: Belleville, Ontario, Wolf Head (Le premier crampon : Belleville, Ontario, tête de loup), v.2006
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Simon Brascoupé, Màmawi: Together (Màmawi : Ensemble), v.2019
100 pagaies en bois, peinture
Résultant d’une commande, Màmawi : Ensemble est une œuvre composée de 100 pagaies peintes à la main par des membres des communautés algonquines anishinabeg dirigés par l’artiste algonquin Simon Brascoupé. Elle est installée à la station Pimisi, l’une des stations de système léger sur rail d’Ottawa
Si l’émergence de Norval Morrisseau (1931-2007) et de l’école de Woodland, au début des années 1960, constitue un moment clé pour la culture anishinabeg, elle est fondée sur la continuité des croyances traditionnelles et des compétences artistiques transmises par des générations de personnes créatrices, comme Catherine Makateinini (Michel) (1871-1916) et William Commanda (1913-2011) de Kitigan Zibi ou Sarah Lavalley (1895-1991) et Matthew Bernard (1876-1972) de Pikwàkanagàn. Nombre d’artistes anishinabeg qui émergent sur la scène nationale explorent les arts médiatiques contemporains, développant des moyens d’expression et des vocabulaires visuels inédits. Dans les années 1980 et 1990, Ottawa attire une vague d’artistes autochtones de plusieurs nations : Noganosh est l’un des premiers à s’établir, suivi de Gerald McMaster (né en 1953), Jeff Thomas (né en 1956), Rosalie Favell (née en 1958), Greg Hill (né en 1967) et Simon Brascoupé (né en 1948).
Formé comme graphiste à Toronto, Noganosh s’inscrit ensuite au programme d’arts visuels de l’Université d’Ottawa. Dans les années 1980, il se construit une réputation de sculpteur et de pionnier de l’art de l’assemblage, utilisant des matériaux tels que des capsules de bière, des pièces d’automobiles et des jouets mis au rebut pour créer des œuvres ludiques, imaginatives, suscitant en même temps la réflexion – That’s All it Costs (C’est tout ce que ça coûte), 1991, témoigne du large éventail d’objets qu’il intègre à son art. Il jette un regard critique sur les excès de la société et aborde également les problèmes auxquels sont confrontées les communautés autochtones contemporaines. Anon Among Us (Anon parmi nous), 1999, évoque des souvenirs profondément douloureux de la perte d’amis et de parents dans les pensionnats, des décès par suicide ou liés à la toxicomanie ou à l’alcoolisme.
En 2006, Noganosh cofonde avec Barry Ace (né en 1958), Ryan Rice, Cathy Mattes et Ahasiw Maskegon-Iskwew (1958-2006), le collectif sans but lucratif Aboriginal Curatorial Collective (aujourd’hui le Indigenous Curatorial Collective/Collectif des commissaires autochtones, ICCA). En 2012, il cofonde également le collectif OO7 (Ottawa Ontario 7), un groupe d’artistes autochtones qui rassemble Ace, Favell, Ariel Smith, Frank Shebageget (né en 1972), Leo Yerxa (né en 1947) et Michael Belmore (né en 1971). Noganosh fait par ailleurs régulièrement l’objet d’expositions au Canada et à l’étranger, jusqu’à sa mort prématurée en 2017, et ses œuvres font partie des collections de la Galerie d’art d’Ottawa, du Centre d’art autochtone, du Musée canadien de l’histoire, du Centre culturel Woodland de Brantford, en Ontario et de nombreuses collections privées.