Norman McLaren
Dans les années 1960, au Canada, les élèves du secondaire se souviennent d’avoir visionné Voisins, un film créé par Norman McLaren (1914-1987) et présenté dans le cadre d’un cours de sciences sociales. Ce court métrage produit par l’Office national du film du Canada (ONF) véhicule un puissant message anti-guerre : il met en scène deux hommes, qui vivent paisiblement côte à côte et se battent à mort pour la propriété d’une fleur qui s’épanouit entre leurs maisons. Le film, qui propose une leçon de morale sur la futilité de la guerre et la nécessité d’aimer ses semblables, s’est vu récompensé d’un Oscar; dès lors, le travail de McLaren en tant que réalisateur et maître du cinéma d’animation est devenu célèbre dans le monde entier.
L’historien du cinéma, Tom McSorley, remarque : « Il est inimaginable pour nous aujourd’hui, dans notre pays radicalement décentralisé, de comprendre l’importance d’Ottawa dans l’histoire du cinéma canadien du milieu du siècle […] Ottawa a été pendant un certain temps l’épicentre de la production cinématographique au Canada. » McSorley note également « [qu’]entre les mains douées du maître de l’animation, Norman McLaren, [l’ONF] a lancé les pratiques tout aussi légendaires de l’animation, de l’avant-garde et du cinéma expérimental au Canada ». Grâce à l’ONF, à Crawley Films et à Dunclaren Productions, Ottawa est un chef de file de la production cinématographique dans les années 1950.
Écossais de naissance et de formation, McLaren arrive à Ottawa en 1941, à l’invitation du directeur de l’ONF, John Grierson (1898-1972), lui-même considéré comme un géant de l’histoire du cinéma canadien. En 1943, McLaren devient le chef du Studio A, le département d’animation de l’ONF, et il recrute une génération de futurs cinéastes, dont René Jodoin (1920-2015), George Dunning (1920-1979), Jim McKay (1916-2002), Grant Munro (1923-2017) et Evelyn Lambart (1914-1999). Son travail permet au Canada de se tailler une place dans le monde du cinéma, grâce notamment à ses courts métrages d’animation et d’action ainsi qu’à ses nombreuses expérimentations, comme la combinaison du film et du son, le dessin direct sur la pellicule, l’animation image par image et diverses autres innovations. L’Oscar qu’il reçoit pour Voisins et la Palme d’or que lui vaut Blinkity Blank (1955), au Festival de Cannes de la même année, témoignent du respect porté à son travail. Blinkity Blank deviendra son morceau de réception à l’Académie royale des arts du Canada (ARC) en 1974. McLaren est également un artiste et un graveur, tout comme il s’intéresse à la danse, au cœur de ses films Pas de Deux (1968) et Narcisse (1983).
En 2014, l’ONF souligne le 100e anniversaire de la naissance de McLaren en transformant le Quartier des spectacles de Montréal, noyau de la vie culturelle de la ville, en un vaste laboratoire extérieur d’art vidéo expérimental. Sept créations originales inspirées de l’œuvre de McLaren sont projetées sur les façades des bâtiments, dont trois installations vidéo interactives et quatre films, sélectionnés dans le cadre d’un concours international spécialement pour l’événement. Bien que McLaren se soit établi à Montréal avec les studios de cinéma de l’ONF en 1956, son travail à Ottawa pendant quinze ans, en tant que cinéaste, artiste et mentor, fait de lui une figure importante du développement artistique de la ville.