Jean-Philippe Dallaire
L’un des autoportraits les plus remarquables de la collection du Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) est Le Hullois, de Jean-Philippe Dallaire (1916-1965), une œuvre que l’artiste peint alors qu’il n’a que vingt ans et qu’il conservera toute sa vie. Saisissante et résolument moderne, la composition montre Dallaire cigarette à la main, portant un foulard aux couleurs vives, regardant avec assurance la personne qui contemple l’œuvre. Acquise par le musée auprès de sa succession en 1972, cette œuvre est un hommage éloquent pour un homme dont la vie a été trop courte.
Malgré sa brève carrière, Dallaire est l’un des plus importants artistes canadiens-français à Ottawa, au milieu du vingtième siècle. À cette époque, la ville compte peu d’artistes francophones en vue, même si Henri Fabien (1878-1936), né à Montréal, s’y est établi en 1909, menant une carrière de peintre de natures mortes, d’intérieurs, de danses, de portraits et de paysages de la région d’Ottawa et des collines de la Gatineau, au Québec.
Dallaire naît à Hull, au Québec, et a peu de modèles vers lesquels se tourner dans sa quête de l’art. Après avoir étudié à l’École technique de Hull, à la Central Technical School de Toronto et, pendant une brève période à Boston, il revient à Ottawa et s’implique à l’Association des confrères artistes du Caveau, travaillant aux côtés d’Henri Masson (1907-1996). Dallaire a un style très distinctif, ses premières œuvres, comme The Visitation (La Visitation), 1937, s’inscrivent dans la tradition figurative.
En 1938, il se rend à Montréal pour poursuivre ses études et, la même année, avec l’appui du gouvernement du Québec, il se rend à Paris. Il y découvre l’œuvre des surréalistes, dont Pablo Picasso (1881-1973), ainsi que celle de l’artiste canadien Alfred Pellan (1906-1988). En 1940, Dallaire est interné par la Gestapo en tant que ressortissant d’un pays officiellement en guerre contre l’Allemagne. Il restera quatre ans dans un camp d’internement, au cours desquels il continue à dessiner.
À son retour au Canada en 1945, Dallaire enseigne à l’École des beaux-arts de Québec de 1946 à 1952, avant d’être embauché par l’Office national du film (ONF), à Ottawa, en tant qu’illustrateur. Il peint également, inspiré par des thèmes mythologiques, ainsi que par le surréalisme et le cubisme, comme en témoigne sa toile Composition [Seated Woman] (Composition [Femme assise]), 1955. Si Dallaire quitte le Canada pour s’installer en France en 1958, où il meurt à l’âge de quarante-neuf ans, sa réputation d’artiste ne cesse de croître au pays. La première rétrospective de son œuvre est organisée par le Musée d’art contemporain de Montréal (MACM) et le Musée du Québec (aujourd’hui le Musée national des beaux-arts du Québec) en 1968. À Gatineau, au Québec, où se trouve l’ancienne municipalité de Hull, Dallaire est vu comme l’un des plus grands artistes francophones de la région et le projet d’une galerie portant son nom a été annoncé en 2006, mais n’a pas encore vu le jour.