Gerald Trottier
Né et formé à Ottawa, le peintre, graveur et enseignant, Gerald Trottier (1925-2004) devient, à partir des années 1950, l’un des principaux artistes de la ville. Son art traite des luttes et du sens de la vie ainsi que de l’inévitabilité de la mort. En 1983, il écrit : « Le pèlerinage de l’homme me préoccupe depuis l’époque de mes études, alors qu’en mai 1953, j’ai fait le pèlerinage annuel des étudiants de l’Université de Paris en direction de Notre-Dame de Chartres. Depuis cette époque, j’ai essayé de vivre et de représenter le pèlerinage de Pâques. Cette série est l’image de ce pèlerinage – une réflexion sur le carnaval de la vie qui se répète depuis toujours et se répétera encore. » Le pèlerinage I est en quelque sorte représentatif de l’œuvre de sa vie : monumental et religieux par nature, mais aussi profondément troublant et suscitant la réflexion.
Trottier est l’un des nombreux artistes nés à Ottawa dans les années 1920 qui ont eu un énorme impact artistique à l’échelle locale et nationale. Outre Trottier, on retient notamment Robert Rosewarne (1925-1974), Kenneth Lochhead (1926-2006), James Boyd (1928-2002) et Georges de Niverville (1928-1984). Tous ont étudié l’art à la Galerie nationale (aujourd’hui le Musée des beaux-arts du Canada), sous la direction de Mabel May (1877-1971), ou à l’École des beaux-arts d’Ottawa, sous la direction d’Ernest Fosbery (1874-1960). Trottier se distingue à la fois par ses réalisations créatives et par son leadership dans la communauté artistique.
Après avoir servi dans la marine pendant la Seconde Guerre mondiale, Trottier étudie à New York en 1948-1949, puis en France et en Angleterre en 1952. De retour à Ottawa, il fait partie de la Guild Studio for Contemporary Liturgical Art avec Victor Tolgesy (1928-1980), Theo Lubbers (1921-2013) et Frank Penn. Ensemble, ils répondent à de nombreuses commandes, s’efforçant toujours de créer de nouveaux moyens d’expression religieuse. Trottier peint d’abord à la manière du réalisme social, rappelant le travail d’Henri Masson (1907-1996), puis il développe son propre style innovant de conception liturgique, caractéristique de sa période dite « médiévale », au milieu des années 1950. Il vend sa première œuvre, The Building (Construction), 1957, à la Galerie nationale, l’année qu’il la peint, alors qu’il travaille à plein temps comme concepteur pour la Société Radio-Canada à Ottawa.
En 1961, il remporte un concours pour la conception d’une murale pour le pavillon H. M. Tory de l’Université Carleton. The Pilgrimage of Man (Le pèlerinage de l’homme), dévoilée en 1962, est une œuvre abstraite empreinte de symbolisme, qui reflète la conviction de Trottier que l’art et l’architecture doivent être pleinement interreliés. Nan Griffiths, professeure à l’Université Carleton, fait remarquer que « l’originalité audacieuse du concept, le dynamisme des formes et la vivacité des couleurs ont suscité de nombreux débats parmi les étudiants et le personnel ». L’œuvre continue de marquer la communauté de l’université.
Trois ans après la complétion de la murale, Trottier est choisi pour représenter le Canada à la 8e Biennale de São Paulo avec son puissant tableau expressionniste Untitled [Last Judgment] (Sans titre [Le Jugement dernier]), 1964. Il joue également un rôle important dans la création de la collection d’art de l’Université Carleton, en plus d’y dispenser des cours d’atelier. En 1965, il quitte Ottawa pour l’Université de Western Ontario, à London, mais en 1980, il revient dans la région et s’établit sur l’île Calumet, dans la vallée de l’Outaouais.