Franklin Brownell
Franklin Brownell (1857-1946) mène une carrière artistique à Ottawa pendant plus de cinquante ans. Tout au long de sa vie, ses réalisations révélant le développement de sa vision artistique ont été largement reconnues. À la lueur de la lampe, une image minutieusement exécutée d’une scène domestique empreinte de sérénité, est l’une des deux œuvres sélectionnées par l’Académie royale des arts du Canada (ARC) pour représenter le Canada à l’Exposition universelle de Chicago, en 1893. En 1922, la Galerie nationale (aujourd’hui le Musée des beaux-arts du Canada) offre à Brownell la première exposition individuelle jamais consacrée à un artiste vivant. Eric Brown, alors directeur du musée, le décrit comme « l’un des prophètes du mouvement coloriste qui commence à imprégner l’art canadien ».
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Franklin Brownell, Percé Rock (Le rocher Percé), v.1913
Huile sur toile, 31,2 x 45,5 cm
Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa -
Franklin Brownell, The Beach, St. Kitts (La plage, St. Kitts), 1913
Huile sur toile, 74 x 89,6 cm
Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa -
Franklin Brownell, The Beggar at the Door (Le quêteux à la porte), 1930
Huile sur toile marouflée sur carton
Bibliothèque et Archives Canada, Ottawa
Originaire du Massachusetts et formé à Boston, New York et Paris, Brownell arrive à Ottawa, en 1886, pour assumer la direction de l’École d’art d’Ottawa. Profondément intéressé par le paysage canadien, il peint dans la vallée de la rivière Gatineau, le parc Algonquin, la région du Bas-Saint-Laurent et la péninsule gaspésienne, comme en témoigne son remarquable Percé Rock (Le rocher Percé), v.1913. Il explore les scènes de la vie quotidienne dans des tableaux dépeignant le marché By à Ottawa, mais il est tout aussi doué pour les œuvres allégoriques, comme le montre par exemple Golden Age (L’âge d’or), 1916. Sa plus grande qualité artistique réside dans sa capacité à rendre les qualités atmosphériques de ses sujets. Comme le fait remarquer l’historienne de l’art Sandra Paikowsky à propos de vues des Caraïbes lumineuses et colorées telles que The Beach, St. Kitts (La plage, St. Kitts), 1913, « Brownell enveloppe les gens et les lieux dans un joyeux éblouissement de lumière et d’air ». L’artiste Pegi Nicol MacLeod (1904-1949) abonde dans le même sens : « Brownell m’a fait prendre conscience de la lumière. » Bien qu’il ait été célébré comme un impressionniste et qu’il soit surtout connu pour ses paysages, il doit également être considéré comme un réaliste social. Ses représentations bienveillantes en même temps que grinçantes de la ville, telles que The Beggar at the Door (Le quêteux à la porte), 1930, témoignent d’une sensibilité aux problèmes urbains rare chez ses contemporains.
Jusqu’à sa retraite en 1937, Brownell est le professeur d’art le plus renommé de la ville et la liste de ses élèves est un véritable bottin mondain de l’art canadien, incluant Nicol MacLeod, Ernest Fosbery (1874-1960), Harold Beament (1898-1984), Goodridge Roberts (1904-1974), Fred Taylor (1906-1987) et bien d’autres. Il joue un rôle central sur la scène artistique canadienne et, alors qu’il est membre du comité de sélection des œuvres d’art présentées en 1924 au pavillon canadien de l’exposition de l’Empire britannique à Wembley, en Angleterre, il s’emploie à réconcilier les artistes de la jeune génération avec ceux des générations précédentes, plus conservatrices. Brown, un admirateur de longue date de Brownell, achète plusieurs de ses tableaux pour la Galerie nationale. En plus de monter l’exposition de 1922 qui lui est consacrée, Brown passe en revue plusieurs de ses expositions individuelles. Lors de l’exposition d’art canadien de la Galerie nationale de 1935, il privilégie clairement l’œuvre de Brownell, l’incluant dans le récit canonique qu’il élabore.
Brownell survit à la plupart de ses contemporains, tandis que ses réalisations artistiques tombent dans l’oubli, au fur et à mesure de l’émergence de nouveaux mouvements artistiques et talents. C’est ainsi qu’en 1967, le conservateur Pierre Théberge déclare que Brownell n’a apporté aucune nouvelle contribution à l’art canadien – un point de vue que partagent J. Russell Harper et Dennis Reid dans leurs publications fondamentales sur le sujet. Ce n’est que dans les années 1990 que la réputation de Brownell commence à être réhabilitée, ce qui lui vaut maintenant une place importante dans l’étude de l’impressionnisme canadien.