Barry Ace
L’artiste anishinabeg Barry Ace (né en 1958) puise son inspiration dans les arts historiques anishinabeg de la région des Grands Lacs. Pour la création de ses œuvres en techniques mixtes, il recycle des composants électroniques récupérés, notamment des condensateurs et des résistances, et transforme les déchets de notre ère technologique en perlages complexes reproduisant des motifs floraux. Son installation suite de la trinité : Cartouchière pour Nibwa Ndanwendaagan [Mes proches]; Cartouchière pour Manidoo-minising [île Manitoulin]; Cartouchière pour Charlie [In Memoriam] révèle son exploration profonde des manidoominens (perles), des baies spirituelles et des composants électroniques. Comme il l’observe lui-même, son « travail embrasse l’impact de l’ère numérique et la façon dont elle transforme et infuse de manière exponentielle la culture anishinabeg (et d’autres cultures mondiales) avec de nouvelles technologies et de nouvelles façons de communiquer, d’exploiter et de combler le fossé entre la connaissance, l’art et le pouvoir historiques et contemporains, tout en conservant une esthétique anishinabeg distincte reliant les générations ».
Ace est un Odawa et un debendaagzijig (citoyen) de la Première Nation M’Chigeeng, Odawa Mnis (île Manitoulin, Ontario). Il s’initie aux techniques artistiques autochtones dès son plus jeune âge, inspiré par le perlage, le piquage et la vannerie anishinabeg. Après des études d’ingénierie électronique au Cambrian College de Sudbury, il se tourne vers les arts graphiques. Sa connaissance des circuits occupe toutefois une place dans son art, en particulier au sein de ses œuvres en techniques mixtes qui comprennent des composants électroniques. Ace affirme dans ses créations, non seulement son identité et sa culture, mais la nécessité de prendre le contrôle de l’imagerie et de la représentation. Avec Anishinabek in the Hood (Anishinabek dans le quartier), 2007, par exemple, il crée une œuvre dans laquelle son moi autochtone rétablit sa place dans le monde eurocentrique de la cartographie et inverse les concepts de dépossession et de relocalisation que les cartes représentent.
De 1994 à 2000, Ace occupe le poste de conservateur en chef au ministère fédéral des Affaires indiennes et du Nord canadien (aujourd’hui appelé Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada). Au cours de son mandat, il organise ou coorganise de nombreuses expositions, dont Transitions : Contemporary Canadian Indian and Inuit Art (Transitions : L’art contemporain des Indiens et des Inuits du Canada), 1997, qui fait l’objet d’une tournée internationale. En 2006, Ace cofonde le Aboriginal Curatorial Collective (aujourd’hui le Indigenous Curatorial Collective/Collectif des commissaires autochtones) dont il est le premier directeur. Il devient ensuite l’un des membres fondateurs du collectif OO7 (Ottawa Ontario 7), qui soutient les artistes autochtones en leur offrant des possibilités d’auto-commissariat, d’engagement public et de critique.
Ace entreprend également des projets collaboratifs, en témoigne sa participation récente à l’exposition wāwīndamaw. promise: Indigenous Art and Colonial Treaties in Canada (wāwīndamaw. promesse : Art autochtone et traités coloniaux au Canada), présentée au North American Native Museum de Zurich, en Suisse. Ace a créé pour l’occasion une œuvre collaborative spécifique au site qui est un prolongement de celle qu’il a réalisée en 2018, For as long as the sun shines, grass grows and water flows (Aussi longtemps que le soleil brillera, que l’herbe poussera et que l’eau coulera), dans laquelle il amalgame les complexes 94 appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation, pour sensibiliser la population aux conséquences dévastatrices des pensionnats autochtones au Canada et ouvrir la voie à la réconciliation entre les peuples canadiens et les peuples autochtones. L’œuvre waawiindmawaa – promise [to promise something to somebody] (waawiindmawaa – promesse [promettre quelque chose à quelqu’un]), 2022, se concentre sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et répond également à l’appel à l’action n° 83 de la Commission de vérité et de réconciliation, qu’elle porte à l’échelle internationale, « pour que les artistes autochtones et non autochtones entreprennent des projets de collaboration et produisent des œuvres qui contribuent au processus de réconciliation ».
L’œuvre d’Ace est un rappel continu que l’art autochtone n’est pas stagnant. Sa pratique artistique, en constante évolution, témoigne de la réalité des artistes autochtones qui s’efforcent, depuis toujours, de représenter et d’explorer leurs propres histoires et contextes sociaux, politiques, environnementaux, culturels, dans les contraintes d’un espace négocié plus important.