Ruth Salter Wainwright (1902-1984)
Parmi les quelques peintres de paysage des années 1950 qui expérimentent l’abstraction à une époque où le postimpressionnisme prédomine sur la scène haligonienne, Ruth Salter Wainwright se démarque par son engagement et le succès qu’elle obtient auprès de la critique. Tout au long des années 1950 et 1960, Wainwright expose régulièrement à Halifax et participe à plusieurs expositions nationales, y compris des expositions itinérantes organisées par la Galerie nationale du Canada (aujourd’hui le Musée des beaux-arts du Canada). Des années 1950 à la fin des années 1960, elle compte parmi les artistes les plus en vue en Nouvelle-Écosse, bien que sa carrière soit finalement éclipsée par l’essor de l’art conceptuel au Nova Scotia College of Art and Design (aujourd’hui l’Université NSCAD) à partir de 1967.
Ruth Salter naît en 1902 à North Sydney, en Nouvelle-Écosse. À l’âge de quinze ans, elle devient pensionnaire au Halifax Ladies College et suit les cours des professeur·es d’art de l’école, notamment les frères et sœurs Edith Smith (1867-1954) et Lewis Smith (1871-1926). Elle obtient un certificat d’enseignement, ainsi qu’un certificat de musique qu’elle complète en parallèle au Halifax Conservatory of Music. Elle épouse Inglis Wainwright en 1929.
À cette époque, elle expose déjà régulièrement ses œuvres dans la ville. En 1930, elle est élue membre de la Nova Scotia Society of Artists (NSSA) et participe ensuite régulièrement aux expositions annuelles de cette société. En 1938, son travail est considéré pour une tournée nationale d’œuvres des membres de la Société canadienne des peintres en aquarelle, organisée par la Galerie nationale du Canada. Tout au long des années 1940, Wainwright est active au sein de la NSSA, dont elle est trésorière et membre du conseil de direction. Dans les années 1950, elle commence à offrir des cours de peinture à son atelier et devient une mentore importante pour plusieurs jeunes créatrices de Halifax, dont Aileen Meagher (1910-1987) et Carol Hoorn Fraser (1930-1991).
Wainwright amorce un virage important dans sa pratique en 1953, lorsqu’elle participe, avec Aileen Meagher, à l’école d’été du célèbre expressionniste abstrait Hans Hofmann (1880-1966) à Provincetown, au Massachusetts. Comme l’écrit l’historienne de l’art Sandra Paikowsky, « l’accent mis par Hofmann sur les principes formels de la création systématique d’images et sur la dynamique structurelle de la couleur a offert à ces artistes non seulement de nouveaux moyens picturaux, mais aussi une nouvelle conception du professionnalisme ». Wainwright retourne à Provincetown au cours de l’été 1955 et, pour le reste de sa carrière, adopte les principes de Hofmann, devenant l’une des rares artistes du Canada atlantique à « explorer le nouveau territoire : l’abstraction ». Géométrique et mesurée, son approche de l’abstraction est rationnelle, évitant l’émotivité de l’expressionnisme abstrait. Elle ne se détourne jamais complètement de la figuration, basant ses compositions sur les caractéristiques observées dans le monde qui l’entoure, sans essayer d’enregistrer ses impressions d’une manière réaliste.
Le changement d’approche de Wainwright lui vaut un succès croissant. En 1957, elle fait partie de la Second Biennial of Canadian Art/Deuxième biennale de l’art canadien à la Galerie nationale du Canada et, en 1961, Wainwright « devient à la fois la seule femme et la seule Néo-Écossaise » à faire partie de l’exposition itinérante du musée, Six East Coast Painters (Six peintres de la côte est). Wainwright travaille et participe à des expositions jusqu’à l’âge de 80 ans. En 1982, le Musée des beaux-arts de la Nouvelle-Écosse lui consacre une rétrospective couvrant l’ensemble de sa carrière.