Série Ledoyen, notes de travail 1979
Série Ledoyen, notes de travail est une série de vues de profil et de vues de face en noir et blanc de vingt chefs et sous-chefs parisiens. Exposée pour la première fois à YYZ, une galerie d’art autogérée de Toronto, Série Ledoyen, notes de travail marque un moment charnière pour Arnaud Maggs. C’est en effet cette séance de photos à Paris qui incite l’artiste à mettre au point une procédure de photographie qui tient compte du nombre de sujets, des types de poses qu’il souhaite – de face et de profil, par exemple – et du nombre de poses sur le rouleau de pellicule. L’approche séquentielle de la création d’images qu’il adopte avec cette série en arrive à définir son approche du portrait, introduisant des thèmes plus explicites de durée et de temps qui réapparaissent par la suite dans toute sa pratique.
Maggs a d’abord été attiré par les chefs pour leur potentiel formel. « Parce qu’ils allaient être tous habillés de la même façon, explique-t-il, cela allait donner une cohérence graphique à l’œuvre. » L’idée lui vient à la suite d’une commande éditoriale reçue du Canadian Magazine pour son numéro du 12 novembre 1977, qui souhaitait une photographie du chef du restaurant Ledoyen, à Paris. La séance photo mène à une image pleine page d’un chef debout devant la porte du restaurant. L’uniforme du chef, coiffé de sa haute toque, contraste avec l’obscurité de l’embrasure de la porte. Série Ledoyen, notes de travail se situe à l’intersection entre les portraits éditoriaux que Maggs réalise pour des magazines et la disposition systématique distinctive des portraits qu’il crée en tant qu’artiste. Cette œuvre témoigne également de l’impact de ses carrières de concepteur graphique et de photographe commercial sur son langage visuel en tant qu’artiste.
Maggs avait organisé une séance pour photographier les chefs à l’extérieur du célèbre restaurant de l’avenue des Champs-Élysées. Comptant répéter l’approche adoptée pour 64 Portrait Studies (64 portraits-études), 1976-1978, Maggs prévoit utiliser plusieurs rouleaux de pellicule pour chacun des chefs, puis retoucher et sélectionner les images adéquates pour les disposer en une large grille. Mais lorsque les chefs se mettent en file pour se faire photographier, il constate que le temps va manquer et il doit adapter son plan. « La première chose que j’ai pensée, c’est “la soupe va brûler”, se souvient-il; j’ai rapidement réalisé que je n’avais pas le luxe d’exécuter mon plan A. » Maggs fait un calcul basé sur les douze poses qu’il a sur chaque rouleau de film 120 et détermine qu’il photographiera deux chefs par rouleau. Chaque personne sera prise en photo trois fois de profil et trois fois de face.
Maggs reçoit du laboratoire des planches-contacts soigneusement découpées en bandes de trois. « J’ai été surpris, admet-il, parce que cela en faisait une œuvre séquentielle, et je n’avais jamais pensé à travailler de cette façon. » C’est après avoir vu les images disposées en bandes de trois qu’il « décide de toutes les montrer ». Contrairement aux photographies qui composent 64 portraits-études, Maggs choisit de ne pas agrandir les images du Ledoyen. Il imprime l’œuvre dans la chambre noire de l’artiste Suzy Lake (née en 1947), qui témoigne : « Il était déçu par les détails de leurs uniformes lorsqu’il a imprimé les portraits dans sa disposition en grille habituelle […] mais très rapidement, il a été emballé par le format de la planche-contact. » Dans cette œuvre, en plus d’alterner entre vue de profil et vue de face, l’arrangement de Maggs est guidé par les processus et procédures de la photographie elle-même.