Les portraits dada : Marcel Duchamp 2010
Les portraits dada constituent une série de diagrammes en noir et blanc qu’Arnaud Maggs a étiquetés avec les noms des principaux artistes du mouvement dada. Comme on peut le voir dans Les portraits dada : Marcel Duchamp, les noms sont inscrits dans une police de caractères étroite sans empattement et sont centrés sous le dessin. La série comprend vingt portraits surdimensionnés accrochés en rangées. Pour ces images, Maggs s’est approprié des diagrammes de charpentiers français du dix-neuvième siècle. C’est son épouse, Spring Hurlbut (née en 1952), qui a attiré son attention sur ce matériau dans un marché aux puces en France. Les portraits dada sont une extension des travaux d’archives visuelles que Maggs a entrepris dans les années 1990, dans lesquels il utilise des papiers éphémères trouvés. Ils constituent également un prolongement de ses portraits photographiques. Cette fois, cependant, Maggs réalise des portraits par association visuelle.
Selon Maggs, « Il est possible d’interpréter ces plans architecturaux compliqués comme des constructions mentales : têtes cubistes, visages constructivistes ou expériences dada ». Le réseau de lignes superposées et les formes semi-circulaires de la planche choisie pour Marcel Duchamp, par exemple, lui rappellent la décomposition du mouvement de Nu descendant un escalier (no 2), 1912, de Marcel Duchamp (1887-1968). Cette série de diagrammes constitue un projet de dénomination dans la tradition du ready-made de Duchamp. Maggs a reproduit des dessins de charpentiers qu’il a présentés comme des œuvres d’art en les exposant dans une galerie. De plus, dans l’esprit souvent absurde de dada, il attribue des noms à chacune de ses reproductions, transformant les plans d’architecture en portraits par le simple fait de les nommer. Lorsque Maggs commence à voir des portraits dans les dessins, il détermine que les artistes masculins sont des vues de profil et les femmes, des vues de face – un vestige structurel, sans doute, de ses portraits photographiques analytiques.
Les portraits dada poursuivent le dialogue de Maggs avec l’histoire de l’art du passé. Bien qu’ancrée dans l’histoire, l’œuvre se distancie également de certains autres projets où il exploite l’éphémère. En attribuant un nom à un diagramme de façon arbitraire, Maggs fait de ses portraits des inventions malicieuses plutôt que de la documentation. « Les taxonomies et les systèmes d’identification ont été auparavant les fondements de mon travail, écrit Maggs; ce nouveau projet vise à altérer un système pour imposer mon propre système à sa place. »
À l’instar des stratégies des dadaïstes eux-mêmes, Maggs s’est approprié du matériel trouvé. Il s’est également appuyé sur la relation entre le texte et l’image – dans ce cas, ses propres interventions textuelles – pour repenser la signification de ses images sources. Au début du vingtième siècle, la typographie a souvent joué un rôle central dans l’expression artistique. De nombreux artistes, dont les dadaïstes et les futuristes, ont exploré des idées à travers la poésie concrète et la forme typographique. Les portraits de Maggs se penchent ainsi sur la relation historique entre l’art et le design.
Enfin, l’œuvre constitue aussi un projet de design. Maggs charge Claire Dawson et Fidel Peña de chez Underline Studio de réaliser les traitements typographiques des titres/noms de chaque œuvre. Ses objectifs sont doubles : il souhaite une typographie sans empattement qui reflète la période dada, et il veut s’assurer que le lettrage ne prenne pas le dessus. Pour finir, les noms des artistes sont inscrits en Akzidenz Grotesk Light Condensed. Introduite en 1898, puis développée dans les années 1960, la police Akzidenz Grotesk a été un pilier de la conception graphique moderne à partir des années 1920. Elle offre la neutralité que Dawson et Peña recherchent pour la série des portraits dada. Peña explique : « La [police] Akzidenz Grotesk Light Condensed semblait une bonne combinaison puisque datée de l’époque tout en étant contemporaine et suffisamment simple pour ne pas dominer son travail. »