Série Hôtel 1991
En 1991, en se promenant dans les rues de Paris, Arnaud Maggs photographie plus de 300 enseignes verticales d’hôtels. Cent ans plus tôt, en réponse au programme de modernisation de Paris du baron Haussmann, Eugène Atget (1857-1927) avait photographié les rues, les bâtiments et les jardins du Paris historique et de ses environs, recueillant ainsi les images d’une ville en voie de disparition. Comme les photographies d’Atget, la série de Maggs témoigne d’une icône parisienne menacée tout en exploitant son intérêt de collectionneur. Son œuvre devient ainsi un acte de préservation, offrant une vie photographique éternelle aux enseignes autrefois omniprésentes. La série rappelle également les dossiers encyclopédiques de Bernd et Hilla Becher (1931-2007, 1934-2015) sur les structures industrielles en voie de disparition en Allemagne.
Recadrées pour mettre en évidence le sujet, les photographies de Maggs sont hautes et étroites, fidèles aux proportions des objets originaux. En effet, le format de ses épreuves – qui mesurent généralement deux ou trois mètres – se rapproche intentionnellement de la taille des enseignes elles-mêmes. Maggs est attiré par ces panneaux en tant que symboles : « Ils sont tous verticaux, et nous n’avons pas l’habitude de lire à la verticale. Au bout d’un moment, ils sont devenus presque des icônes, des symboles. […] J’ai réalisé que nous ne les lisons pas, nous ne faisons que les reconnaître. » Pour attirer l’attention sur la forme, Maggs délaisse les panneaux sur lesquels figure le nom de l’hôtel et se concentre sur les enseignes génériques.
Maggs restreint sa collection de photographies à 165 enseignes, qui sont ensuite compilées dans un projet de livre conçu par le graphiste et typographe Ed Cleary (1950-1994) et publié par Art Metropole (Toronto) et Presentation House (Vancouver) en 1993. Comme le Catalogue complet des albums de jazz chez Prestige, 1988, et la Série Köchel, 1990, la série Hôtel de Maggs est un clin d’œil à sa carrière de graphiste et témoigne de son intérêt constant pour la typographie et les formes de lettres. Mais plus encore, la taxonomie des formes de lettres a façonné le cadre conceptuel du projet dans lequel Maggs a organisé les photographies du livre par style de lettrage. Chaque page du livre comprend cinq enseignes d’hôtel similaires.
Lorsque Maggs expose les photographies pour la première fois au centre d’artiste Art Metropole à l’occasion du lancement du livre, il dispose à nouveau les images par style de lettrage. Il regroupe d’abord les enseignes similaires pour faire ressortir leur ressemblance et les parentés de chacune. « Elles sont toutes différentes, explique-t-il, mais il y a une similarité. » Comme pour la plupart de ses œuvres, ses arrangements imposent une logique formelle supplémentaire à la collection et invitent le spectateur à prêter attention aux différences subtiles entre les images.