En Télécharger le livre Tous les livres d’art Accueil

Quatre femmes 1944-1947

Alfred Pellan, Quatre femmes, 1944-1947

Alfred Pellan, Quatre femmes, 1944-1947
Huile sur toile, 208,4 x 167,8 cm
Musée d’art contemporain de Montréal

Alfred Pellan est devenu célèbre pour avoir exploré le thème de la sexualité dans ses peintures, en témoigne Quatre femmes qui fait partie d’un ensemble d’œuvres notoires pour avoir été censurées lors d’une exposition en 1956. Dans cette œuvre, quatre femmes nues, figées dans des positions lascives, sont exhibées. Leurs corps sont désarticulés – stylisés et dépeints dans des contorsions invraisemblables – et leurs visages sont réduits à leurs traits les plus rudimentaires.

 

Le nu féminin monumental qui occupe l’espace central a les jambes écartées – un geste invitant qui offre une vue intime de son corps. Pourtant, sa sensualité exprime également un sentiment trouble et anxieux. Immobile, les yeux fixés droit devant elle, cette figure transmet l’ambiance de violence du tableau, ce qui est accentué par l’épais contour noir cernant son corps. Elle semble se tenir la tête non par extase, mais par peur.

 

Cette angoisse se reflète aussi chez les trois autres figures féminines, qui sont retenues captives, à l’étroit, dans le plan du tableau. Leurs postures contraignantes rappellent que c’est l’artiste qui contrôle la situation, et non les femmes qu’il représente. Elles sont emprisonnées dans la composition, sans avoir eu leur mot à dire, offertes sur l’autel de la toile à l’œil avide du public. Plutôt que d’exprimer quelque chose d’authentiquement féminin, ces corps incarnent le désir d’un point de vue masculin. Bien qu’il s’agisse d’un hommage à leur beauté, les Quatre femmes de Pellan sont les objets du tableau et non ses sujets.

 

Pablo Picasso, Les demoiselles d’Avignon, 1907, huile sur toile, 243,9 x 233,7 cm, The Museum of Modern Art, New York.
Rembrandt van Rijn, Bethsabée au bain tenant la lettre du roi David, 1654, huile sur toile, 142 x 142 cm, Musée du Louvre, Paris.

Historiquement, selon les conventions de l’art occidental, la sexualité n’était pas censée dominer les représentations du nu féminin; toutes références explicites à l’activité sexuelle devaient être implicites pour que l’œuvre garde une distance nette avec la pornographie. Dans Quatre femmes, cependant, la sexualité est tout à fait explicite. Il est vrai que le motif décoratif (un réseau complexe de petits points lumineux) qui traverse toute la surface du tableau atténue la nudité dépeinte. Néanmoins, les femmes sont ouvertement érotiques et voluptueuses, et leurs positions, provocantes. De grandes formes blanches les caressent, tandis que d’épais contours noirs soulignent leur présence physique.

 

Quatre femmes témoigne de l’intérêt qu’attache Pellan à la combinaison d’une vision surréaliste avec des éléments stylistiques que l’on retrouve dans les compositions de Pablo Picasso (1881-1973). Ici, il s’inspire directement de l’œuvre Les demoiselles d’Avignon, 1907, du peintre espagnol. Le traitement spatial de la composition est d’inspiration cubiste : bidimensionnel avec une perspective non traditionnelle et des points de vue multiples. Dans Quatre femmes, Pellan n’adhère à aucun mimétisme et brouille plutôt les codes de la représentation. Cette approche peut être considérée comme une façon de défier les artistes qui, pendant des siècles, ont travaillé dans la tradition européenne en vénérant le nu comme un sujet prestigieux.

Télécharger Télécharger