L’amour fou (Hommage à André Breton) 1954
L’amour fou (Hommage à André Breton) témoigne de la compréhension qu’a Pellan du surréalisme – un courant qui le fascine pendant plus de quarante ans – ainsi que de son amitié avec André Breton (1896-1966), l’un des écrivains fondateurs du mouvement. Un portrait d’homme qui ressemble vaguement à Breton ouvre le bas de la composition, dominée par du rouge qui embrase la surface, atténué par des touches de vert, de jaune, de noir et de blanc. Au-dessus de la figure masculine se tient une femme dans une pose impossible, soutenue par une énorme main démembrée sur le côté droit.
Cette composition révèle l’habileté de Pellan à créer quelque chose d’inédit et de complètement personnel à partir de sa propre interprétation de l’amour fou, tel que le définit par Breton en 1937 dans le livre du même nom. Franchissant la barrière entre l’amour charnel et l’amour spirituel, ce concept surréaliste évoque le désir, la liberté et la beauté; il consiste à dévoiler le merveilleux dans les rencontres quotidiennes.
La femme joue un rôle symbolique important dans cette conception. Comme le relève la critique Katherine Conley, dans le surréalisme, la femme est considérée comme « puissante, capable de sauts intuitifs et d’entrer dans l’inconnu » d’une manière qui échappe à beaucoup de leurs homologues masculins. Cependant, bien qu’elle soit une figure centrale de l’univers surréaliste, la femme est, la plupart du temps, reléguée à un rôle de moindre importance, celui d’objet dans les œuvres d’art.
Selon l’historienne de l’art Reesa Greenberg, dans L’amour fou, Pellan ne réduit pas complètement la femme à un objet de désir. Il souligne plutôt son rôle dans l’équilibre délicat entre l’homme et la femme. Bien que les deux entités ne soient pas montrées comme physiquement liées, leurs corps communiquent un certain sentiment d’unité. Pellan souligne plus encore cette imbrications des sexes en représentant les formes masculine et féminine avec une peau de la même couleur et recouverte du même motif; pour Greenberg, ces choix suggèrent « leur métamorphose en un seul être ».
Pellan accorde une attention particulière à la forme féminine sexualisée dans L’amour fou, en la tordant et en la déformant pour mettre en valeur ses seins, son pubis, ses cheveux flottants et ses longues jambes. Néanmoins, l’artiste fait également allusion à l’idée surréaliste selon laquelle le corps peut être un vecteur de changement. En contraste avec la figure féminine fluide, l’homme semble immobilisé, piégé par les formes du bas de la composition et la main qui paraît à sa droite.