Atelier 2000
Atelier livre un autoportrait saisissant, sans complaisance, de Colville. Cette œuvre présente l’artiste en pied, debout, nu devant le spectateur, les mains jointes devant ses organes génitaux. Bien que Colville s’expose ici à notre examen, c’est lui plutôt qui est l’observateur. Peint à partir d’une image dans un miroir en pied, cette œuvre est l’auto-examen sans réserve d’un artiste qui observe avec minutie.
Colville a réalisé de nombreux autoportraits, dont Target Pistol and Man (Pistolet de tir et homme), 1980, et Black Cat (Chat noir), 1996, mais Atelier est le seul où il est représenté sans accessoires tels qu’un pistolet, une règle ou un animal. Ce tableau demeure sans égal dans l’œuvre de Colville pour le regard honnête et franc qu’il pose sur le corps humain. On y perçoit également le sentiment d’une évaluation, d’un bilan, alors que l’artiste amorce la dernière décennie productive de sa vie et de sa carrière. L’image montre en partie la réalité de ce que représente l’atelier pour un véritable artiste : l’endroit où le soi est mis à nu et les idées, poussées à l’extrême, peu importe à quel point l’artiste se sent exhibé, voire nu. Atelier suggère que l’artiste est toujours tel qu’il se représente lui-même dans le tableau : nu et impuissant sous le regard scrutateur de ses observateurs.
Dans ce tableau, on ne perçoit toutefois aucun sentiment de victimisation ni d’apitoiement sur soi-même. Au contraire, l’œuvre est forte, presque dure et implacablement honnête. Lorsque l’écrivain Robert Fulford a demandé à Colville pourquoi il se représentait ici tellement plus vieux qu’il ne le paraissait à l’époque, l’artiste a répondu dans son style direct que c’était parce qu’il était seul. « Quand on est seul, et pas en conversation, on a tendance à paraître plus vieux, plus mélancolique … ».
Colville montre l’image d’un homme âgé portant une cicatrice, résultat d’une grave opération au cœur. L’autonomie, le libre arbitre et la volonté d’agir sont tous des éléments essentiels de la vision du monde exprimée dans l’œuvre de Colville, et le vieillissement et la maladie les circonscrivent directement. Les malades et les personnes âgées peuvent progressivement perdre leur autonomie, leur capacité à contrôler leur corps et leur vie. Ils deviennent objets de soins, la responsabilité des autres. Cette prise de conscience, de même qu’une acceptation teintée de regret, se dégagent de cette peinture qui est extrêmement inconfortable à regarder.
Atelier n’est pas le dernier autoportrait de Colville; il en a achevé un autre huit ans plus tard, Artist and Car (Artiste et voiture), 2008. Il s’agit néanmoins de sa meilleure représentation de l’artiste en tant que créateur et serviteur de l’art, et de la démarche artistique telle qu’il la conçoit. Les artistes se font souvent demander comment ils trouvent leurs idées. Atelier de Colville offre un élément de réponse.