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Au cours de sa longue et brillante carrière, Molly Lamb Bobak travaille surtout l’huile et l’aquarelle, mais réalise également dessins, estampes et illustrations. Si l’essentiel de sa production artistique porte sur des sujets reconnaissables, ses scènes de foule, ses natures mortes (y compris ses fleurs) et ses intérieurs montrent son attachement aux qualités formelles de la peinture — la ligne, l’espace, la perspective, et la frontière qui sépare la figuration de l’abstraction. Bien qu’elle assimile l’influence d’artistes modernistes canadiens et étrangers, elle cultive un style bien à elle.

 

 

Forme et représentation

Dans son travail, qu’il s’agisse de dessins, de toiles ou d’estampes, Molly Lamb Bobak accorde une attention soutenue tant à la représentation de la scène observée qu’aux qualités formelles de l’œuvre produite : ses couleurs, sa facture, sa texture, ses lignes et sa composition. Cette volonté de brosser la vie quotidienne à l’aide de techniques maîtrisées l’amène à produire un corpus d’œuvres sans égal dans le monde de l’art canadien. Pour forger le style qui lui est propre, Lamb Bobak se met au défi d’expérimenter les qualités formelles de la peinture dans de nouvelles directions. Ses dessins, ses journaux illustrés, ses tableaux à l’huile et plus encore ses aquarelles, sont l’œuvre d’une main sûre. 

 

Jack Shadbolt, Abstraction, Port de mer, 1933
Jack Shadbolt, Seaport Abstraction (Abstraction, Port de mer), 1933, graphite et aquarelle sur papier aquarelle, 56,8 x 38,6 cm, Belkin Art Gallery, Vancouver.
Molly Lamb Bobak, Une boulangerie, Saint-Léonard, 1951
Molly Lamb Bobak, A Bakeshop, Saint-Léonard (Une boulangerie, Saint-Léonard), 1951, huile, gouache et aquarelle sur carton fort, 81,3 x 60,8 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.

L’idée selon laquelle l’agencement des éléments d’un tableau doit être réussi, pour que sa représentation du sujet le soit, est un axiome central de l’art moderniste d’après les critiques Roger Fry (1866-1934), Clive Bell (1881-1964), Herbert Read (1893-1968), Walter Abell (1897-1956) et Clement Greenberg (1909-1994). Comme l’explique le peintre postimpressionniste Maurice Denis (1870-1943) dans son manifeste de 1890 : « Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue, ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. »  

 

Lamb Bobak comprend très bien la théorie de l’art et sa mise application dans ses œuvres. Bien avant qu’elle n’entreprenne des études d’art, elle a entendu son père Harold Mortimer-Lamb (1872-1970) discuter des ouvrages de Fry (en particulier), en compagnie de ses invités à la maison. Ensuite, étudiante à la Vancouver School of Art, Lamb Bobak est de nouveau exposée à ces courants esthétiques auprès de Jack Shadbolt (1909-1998), avec qui elle restera en correspondance jusqu’au décès du professeur. Bien qu’elle ait un style tout à fait différent du sien et qu’elle n’adhèrera jamais pleinement à l’abstraction, Shadbolt exerce une influence notable sur son travail. Il l’oriente vers les grandes préoccupations de la peinture moderniste, d’abord en lui faisant découvrir l’œuvre de Paul Cézanne (1839-1906) puis, dans les années 1950, en l’encourageant à explorer les éléments compositionnels, par exemple la ligne, le ton et la couleur.  

 

Lorsque Lamb Bobak retourne vivre à Vancouver à la fin de la Seconde Guerre mondiale et qu’elle s’impatiente de ne pas dépasser le travail d’observation qu’elle effectuait comme artiste de guerre, Shadbolt lui conseille de se concentrer sur les qualités formelles de son art, lui ouvrant ainsi la voie vers l’abstraction. Dans A Bakeshop, Saint-Léonard (Une boulangerie, Saint-Léonard), 1951, elle accentue ces aspects de sorte que l’image, bien qu’essentiellement une étude de lignes et de formes, ressemble toujours à une étagère dans le coin d’une boulangerie. Dans New Housing Project (Nouveau projet domiciliaire), 1956, Lamb Bobak traite la ligne et la composition à la manière de Cézanne dans Gardanne, 1885-1886. Ses tableaux de cette période sont ceux qui s’aventurent le plus du côté de l’abstraction, sans jamais toutefois sacrifier la représentation.

 

Paul Cézanne, Gardanne, 1885-1886
Paul Cézanne, Gardanne, 1885-1886, huile sur toile, 64,8 x 100,3 cm, Barnes Foundation, Philadelphie.
Molly Lamb Bobak, Nouveau projet domiciliaire, 1956
Molly Lamb Bobak, New Housing Project (Nouveau projet domiciliaire), 1956, huile sur toile, 88,8 x 127,4 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.

 

Même lorsque l’abstraction et l’art conceptuel s’implantent dans la plupart des milieux artistiques canadiens et internationaux, Lamb Bobak reste fidèle à son style figuratif habituel. Au fil des ans, elle prend des risques afin de parfaire sa technique, notamment en variant les perspectives de ses scènes de foule (Rink Theme—Skaters (Thème de la patinoire — Patineurs), 1969, et John, Dick, and the Queen (John, Dick et la Reine), 1977). À quelques reprises, elle renoue avec l’abstraction — par exemple dans Black Rocks, Caesaria (Rochers noirs, Césarée), 1985 —, mais son sujet est toujours identifiable. Hormis dans son travail d’illustratrice de livres, explique-t-elle lors d’une entrevue, elle a réfréné les impulsions naturelles qui la portaient vers la narration, car des commentateurs locaux ont trouvé le « caractère littéral » de son travail « exaspérant »; ils ont dévalué ses images de salons de thé, n’y voyant qu’« une simple histoire » au sujet de personnages. Au fil de sa carrière, l’artiste réussit à développer un style distinctif qui allie la figuration à un savoir-faire technique continuellement enrichi.

 

 

Une peintre de la vie moderne

Par son choix de sujets, Molly Lamb Bobak rejoint les idées du poète et critique français Charles Baudelaire (1821-1867), qui affirmait en 1863 qu’à la différence des idéaux classiques, l’artiste de la modernité doit être « homme [sic] du monde, homme des foules » — un peintre de la vie moderne

 

Molly Lamb Bobak, Oslo, 1960
Molly Lamb Bobak, Oslo, 1960, fusain sur papier vélin, 41,9 x 54,7 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.

 

Lamb Bobak raconte que, jeune mère à Oslo, elle a pris l’habitude de faire ses esquisses installée sur la banquette arrière d’une voiture, pour saisir l’humeur du flot des passants qui traversaient la place centrale. Elle retravaille ensuite certains de ces dessins sur le vif pour créer des tableaux en atelier, tel Oslo Street (Rue d’Oslo), 1961. De la même manière, ses croquis de la visite officielle d’Elizabeth II au Nouveau-Brunswick, en 1976, montrent qu’elle continue de recueillir ses impressions de moments fugitifs (voir John, Dick, et la Reine, 1977). Ces dessins au fusain ou à l’encre, accompagnés d’indications de couleurs, lui servent d’aide-mémoire pour la cinquantaine d’œuvres qu’elle produit l’année suivante dans son studio.  

 

Toutes ses scènes captent un moment tiré d’une expérience vécue en communauté — des foules de gens qui patinent (Thème de la patinoire — Patineurs, 1969), qui dansent (The Ball at the Legislature (Le bal à l’Assemblée législative), 1986), qui se promènent sur la plage (British Columbia Beach (Plage de Colombie-Britannique), 1993), qui occupent une place publique ou assistent à une assemblée. Les œuvres affichent un délicat équilibre entre la forme, la couleur et l’espace, produisant une vision claire, efficace, de scènes mouvantes intentionnellement dépourvues de narration. 

 

Le style de Lamb Bobak a pu être influencé par Pegi Nicol MacLeod (1904-1949), une artiste qu’elle a rencontrée pendant la guerre. Manhattan Cycle (Cycle de Manhattan), 1947-1949, œuvre de Nicol MacLeod exécutée près de son appartement sur la 88e rue Est, met également en scène une foule bigarrée. Si les deux femmes partagent un intérêt d’ordre thématique, elles divergent dans le traitement qu’elles en donnent : Christmas Tree and Skaters, Rockefeller Plaza (Sapin de noël et patineurs, Rockefeller Plaza), 1946, de Nicol MacLeod remplit le cadre de figures peintes à coups tordus et expressifs, là où March to University (Marche à l’université), s.d., de Lamb Bobak est précis et ordonné dans le déroulement de la scène. Lamb Bobak, si elle apprécie le travail de sa collègue, ne leur voit pas d’affinité sur le plan artistique. Elle décrit Nicol MacLeod comme « une peintre tournée vers l’extérieur, tourbillonnante » dont le travail est « plus fou […] moins contrôlé » que le sien

 

Pegi Nicol MacLeod, Sapin de noël et patineurs, Rockefeller Plaza, 1946
Pegi Nicol MacLeod, Christmas Tree and Skaters, Rockefeller Plaza (Sapin de noël et patineurs, Rockefeller Plaza), 1946, huile et graphite sur papier vergé, 61 x 47,8 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.
Molly Lamb Bobak, Marche à l’université, s.d.
Molly Lamb Bobak, March to University (Marche à l’université), s.d., huile sur toile, 55,5 x 75,5 cm, Beaverbrook Art Gallery, Fredericton.

 

Les scènes de foule de Lamb Bobak sont très convoitées de son vivant, mais elle comprend mal leur attrait. Ces compositions lui paraissent moins substantielles que ses autres œuvres : « Il n’y a rien d’inquiétant dans mes sujets. Parfois, j’ai peur de n’avoir rien à dire, réellement, car je peins tout simplement ce que je vois, sans penser plus loin que l’objet visuel, le mouvement des gens, la couleur, et ainsi de suite. Et je dois travailler fort pour y arriver. » Malgré ses réserves, Lamb Bobak atteint le but défini par Baudelaire pour l’artiste en quête de la modernité : saisir « le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art ». Cette méthode de travail est rapidement adoptée par la plupart des peintres impressionnistes, Claude Monet (1840-1926) et James McNeill Whistler (1834-1903) en particulier. En apprenant à maîtriser ces mêmes techniques, Lamb Bobak acquiert les habiletés nécessaires pour mesurer, comprendre et apprécier la scène dans sa globalité et saisir ce que signifie être moderne. 

 

 

Couleur, texture, espace

Édouard Manet, Un bar aux Folies-Bergère, 1882
Édouard Manet, Un bar aux Folies-Bergère, 1882, huile sur toile, 96 x 130 cm, The Courtauld Institute of Art, Londres.
Molly Lamb Bobak, Pub chalereux, s.d.
Molly Lamb Bobak, Warm Pub (Pub chalereux), s.d., huile sur toile, 61 x 76,2 cm. Collection privée.

Tout au long de sa carrière, Molly Lamb Bobak se sentira interpelée par le travail des modernistes européens. Malgré la continuité stylistique qui caractérise son œuvre, l’artiste est ouverte à de multiples influences dans le traitement de la couleur et de la texture, notamment celles de Paul Cézanne, de J. M. W. Turner (1775-1851) et de Gustav Klimt (1862-1918). On the Beach (Sur la plage), 1959, évoque ainsi Le baiser, 1907-1908, de Klimt. Son évolution en tant que peintre coïncide avec une série de voyages en Europe avec son mari Bruno Bobak (1923-2012). Ces voyages, financés par des bourses, leur ont permis de dessiner et de peindre en plein air en Espagne, en France, en Norvège et en Angleterre. Son tableau Rochers noirs, Césarée, 1985, évoque les paysages marins de Turner par ses jeux saisissants du ciel et de la mer. Warm Pub (Pub chalereux), s.d., réalisé après un séjour prolongé en Europe, révèle l’influence d’Édouard Manet (1832-1883) dans le traitement et la fluidité de la touche. Pub chalereux n’est pas sans rappeler le célèbre peinture de Manet Un bar aux Folies-Bergère, 1882. Dans son rendu du pub, elle semble imiter la touche de Manet, tout en la rendant plus abstraite, révélan ainsi la nature de la peinture elle-même :  une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. On peut également faire un parallèle entre la serveuse de Manet et le soldat Roy de Lamb Bobak. Les deux sujets ont en commun une certaine mélancolie, créée par leur regard, qui ne rencontre pas celui du spectateur. Charmaine A. Nelson note la sensibilité avec laquelle Lamb Bobak dépeint le soldat Roy dans un moment d’introspection, traduisant le sentiment d’aliénation aigu que devait ressentir une femme noire en service dans un corps d’armée majoritairement blanc.  

 

Molly Lamb Bobak, Palais Corsini, Florence, 1983
Molly Lamb Bobak, Corsini Palace, Florence (Palais Corsini, Florence), 1983, huile sur toile, 76,6 x 101,3 cm, collection privée.

 

Forte de ces influences, Lamb Bobak s’invente un style et une technique bien à elle. La palette sobre et les compositions géométriques, presque cubistes, qu’elle a peintes à Vancouver dans les années 1950 (Une boulangerie, Saint-Léonard, 1951), cèdent la place, dans son style ultérieur, à une touche libre et à une utilisation instinctive de la couleur. À partir de 1960, ses paysages, ses natures mortes et ses intérieurs affichent des structures compositionnelles plus souples et une remarquable fraîcheur de teinte. Ainsi, Corsini Palace, Florence (Palais Corsini, Florence), 1983, et Interior with Moroccan Carpet (Scène intérieure avec tapis maroccaine), 1993, deux intérieurs tardifs peints à l’huile, arborent des couleurs d’une audacieuse pureté.

 

Ces compositions intérieures, à l’instar de ses scènes de foule et de ses images de fleurs — pensons par exemple au rendu gestuel de « Red Poppies » (« Coquelicots rouge »), 1977 — se caractérisent par leur forme rationnelle, leurs détails sensuels et leur palette exubérante et peu travaillée. Comme elle l’explique en parlant de ses « Cosmos », 1977, dans Wild Flowers of Canada (1978) : « J’adore les peindre. À l’automne, je fais la course contre le premier gel meurtrier pour noter tout ce qu’ils évoquent en moi. J’ai un vieux pinceau auquel il reste quelques poils qui m’aide à dire quelque chose de l’élégance de leurs frondes aux formes si nettes. » 

 

Molly Lamb Bobak, « Tulipes », 1977
Molly Lamb Bobak, « Tulips » (« Tulipes »), 1977, illustration en couleur tirée de Wild Flowers of Canada: Impressions and Sketches of a Field Artist (Pagurian Press, 1978).
Molly Lamb Bobak, « Coquelicots rouges », 1977
Molly Lamb Bobak, « Red Poppies » (« Coquelicots rouges »), 1977, illustration en couleur tirée de Wild Flowers of Canada: Impressions and Sketches of a Field Artist (Pagurian Press, 1978).

 

 

Autres disciplines artistiques

Si Molly Lamb Bobak se définit avant tout comme peintre, et si elle est décrite comme telle dans la presse artistique, sa carrière est ponctuée de quelques incursions dans d’autres disciplines. Outre ses journaux illustrés et ses aquarelles comme « Cosmos », v.1980, l’artiste produit un petit nombre d’estampes et illustre plusieurs livres. 

 

David Milne, Tempête sur les îles no 3, 1951
David Milne, Storm Over the Islands No. 3 (Tempête sur les îles no 3), 1951, aquarelle et graphite sur papier vélin, 28 x 37 cm, Art Gallery of Windsor, Ontario.

La plupart des œuvres de Lamb Bobak sont à l’huile, mais elle utilise l’aquarelle lorsqu’un traitement délicat, transparent, lui semble préférable. Quoique la popularité de l’aquarelle ait culminé au dix-neuvième siècle, certains artistes modernistes y restent attachés pour leurs esquisses et leurs œuvres indépendantes. David Milne (1882-1953) est l’un de ces artistes — dont Lamb Bobak a reconnu l’influence dans son travail. Au départ, elle utilise des pigments d’aquarelle pour ajouter de la couleur à ses croquis et dessins, mais elle attribuera à son mari, Bruno Bobak, le mérite de l’avoir encouragée à explorer plus à fond cette technique.

 

Elle apprend à apprécier l’immédiateté qu’offre l’aquarelle, par opposition aux réévaluations et aux corrections que permet la peinture à l’huile. Comme le signale David P. Silcox dans son avant-propos à Wild Flowers of Canada 

 

Les œuvres sont tout à la fois méticuleuses et spontanées. Elles ont une vitalité dévorante que leur délicatesse ne diminue en rien. Elles ont un équilibre que leur désordre apparent ne détruit pas. Elles offrent une vision dont l’immédiateté est renouvelée à chaque observation. Elles sont un acte d’amour

 

Lors d’une entrevue télévisée pour la CBC en 1993, Lamb Bobak explique que l’aquarelle, parce qu’elle permet de capter le mouvement naturel des fleurs délicates, lui plaît tout particulièrement pour dépeindre des sujets floraux

 

La gravure est peu présente dans l’œuvre de Lamb Bobak, mais la composition complexe de ses estampes mettant en scène des foules et des groupes de bâtiments, témoigne de sa sensibilité graphique. Ses lithographies de la fin des années 1950 et du début des années 1960, dont Florence, s.d., et The School Yard (La cour d’école), 1962, montrent qu’elle sait transposer de l’huile à l’estampe ses sentiments à l’égard des espaces remplis de monde et d’activité.

 

Molly Lamb Bobak, Florence, s.d.
Molly Lamb Bobak, Florence, s.d., lithographie, 44 x 82,1 cm, Beaverbrook Art Gallery, Fredericton.
Molly Lamb Bobak, La cour d’école, 1962
Molly Lamb Bobak, The School Yard (La cour d’école), 1962, lithographie sur papier vélin, 77,5 x 106,8 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.

 

Sa sérigraphie The Ball (Le bal), 1986, reprend la composition générale de sa toile Le bal à l’Assemblée législative, 1986. Toutes deux représentent des danseurs dont les formes rapidement exécutées les font flotter à travers l’espace pictural; bien que la salle de bal soit ancrée par trois éléments architecturaux — deux fenêtres et une porte qui laisse entrevoir un sapin de noël — sa forme n’est pas précisément définie. 

 

Quoique les critiques accueillent favorablement ses estampes, Lamb Bobak ne les mentionne qu’en passant. Dans une entrevue menée en 1962, elle dit avoir eu l’intention de suivre des cours de gravure lors de son séjour à Oslo, mais rien n’indique qu’elle l’ait fait. En 1978, elle évoque l’aide apportée à son mari au cours de son travail lithographique et les lithographies qu’elle a faites elle-même, « en Angleterre, bien sûr », mais en petit nombre

 

Lamb Bobak a illustré des livres pour enfants écrits par Frances Itani, Sheree Fitch et sa propre fille, Anny Scoones. Ses illustrations, par l’humour et le plaisir qui s’en dégagent, présentent des liens évidents avec ses journaux de jeunesse tenus à l’île Galiano et durant les années de guerre. Elles présentent également des affinités et des différences avec ses autres œuvres. Les lecteurs s’attendent d’ordinaire à ce que les illustrations d’un livre agrémentent l’histoire, mais depuis les années 1950, Lamb Bobak évite délibérément la narration picturale. Cette retenue transparaît dans les images de Linger by the Sea (1979), de Frances Itani, où l’illustratrice suit la trame du récit avec un remarquable détachement, en représentant les personnages principaux de manière assez floue. 

 

Molly Lamb Bobak, illustration à l'aquarelle tirée de Frances Itani
Molly Lamb Bobak, illustration à l’aquarelle tirée de Frances Itani, Linger by the Sea (1979). 
Molly Lamb Bobak, illustration (détail) tirée de Anny Scoones
Molly Lamb Bobak, illustration (détail) tirée de Anny Scoones, A Tale of Merlin the Billy dog (2000). 

 

Dans Toes in My Nose and Other Poems (1987) et Merry-Go-Day (1991) de Sheree Fitch, Lamb Bobak trouve un satisfaisant équilibre entre tous les éléments : la narration, les personnages et le recours à des techniques variées pour exprimer les sentiments. Dans « The Moon’s a Banana » (« La lune est une banane »), par exemple, un enfant endormi forme l’image centrale, mais le chien et l’ourson en peluche à l’extrême droite du cadre invitent le lecteur à laisser son imagination voyager par-delà les mots. Les illustrations des livres ultérieurs servent de prolongement comique au texte qu’elles accompagnent. Ainsi, dans A Tale of Merlin the Billy Dog (2000) de Scoones, la chèvre qui est au cœur de l’histoire gambade avec son nouvel ami (un chiot Labrador noir), se met en boule pour dormir et, dans un moment hilarant, est menacée par une volée de « poulets harceleurs ».  

 

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