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Jock Macdonald est l’un des pionniers de la peinture abstraite au Canada. Convaincu que l’art de son temps doit se fonder sur les « concepts de la nature, de l’espace, du temps et du mouvement au vingtième siècle », il est un fervent défenseur de l’expression artistique contemporaine. Membre fondateur du Groupe des peintres canadiens et de Painters Eleven, Macdonald est également l’instigateur du Groupe de Calgary. Enseignant dévoué, il sert de modèle et de mentor à plusieurs générations d’artistes en Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario. Et en tant qu’artiste, professeur et activiste, il exerce une influence profonde sur l’art canadien.

 

 

L’artiste philosophe

Art Canada Institute, Jock Macdonald, Jock Macdonald near Lytton on the Thompson River, B.C., c. 1932
Jock Macdonald sur la rivière Thompson, près de Lytton (C.-B.), v. 1932. Photographie : Williams Bros., Vancouver.
Art Canada Institute, Jock Macdonald, Departing Day, 1939
Jock Macdonald, Departing Day (Le jour du départ), 1939, huile sur toile, 71,5 x 56,1 cm, Art Gallery of Hamilton.

Tout au long de sa vie d’artiste, Jock Macdonald se consacre à la recherche de nouvelles formes de beauté. Comme il l’écrit à H. O. McCurry en 1937 : « J’ai toujours recherché une nouvelle expression de l’art […] Ne pas donner suite à cette force qui me pousse – + que je crois vraiment être une forme d’art créatrice – cela reviendrait à détruire mon âme. » Guidé par différentes théories de l’heure sur l’art, l’esthétique, la science et les mathématiques, il aspire à créer des tableaux permettant d’exprimer clairement la nature spirituelle de l’univers. Il recherche une forme d’expression artistique qui traduise une « sensibilité à la conception contemporaine de l’espace, les réactions psychologiques aux couleurs vibrantes et la puissance dynamique de la composition moderne ».

 

À la fin des années 1920 et dans les années 1930 à Vancouver, l’essence spirituelle de l’art et le cheminement de l’artiste vers le « centre universel » sont, avec l’expression artistique contemporaine et la corrélation entre les arts, des thèmes de discussion courants lors des soirées musicales hebdomadaires auxquelles assiste Macdonald. L’instigateur de ces soirées, le photographe John Vanderpant (1884-1939) y présente des conférences, des diaporamas et des enregistrements sur le travail d’artistes et de musiciens contemporains. Ses exposés portent sur l’art moderne, dont le Groupe des Sept ainsi que les modernistes européens tels que Wassily Kandinsky (1866-1944), Amédée Ozenfant (1886-1966) et Piet Mondrian (1872-1944), de même que des compositeurs pour la plupart inconnus de son audience. Au début des années 1930, Vanderpant fait des expériences photographiques dérivées de la nature – par exemple Heart of the Cabbage (Cœur de chou), v. 1929-1930 –, qu’il appelle « expressions-pensées ». Le terme provient probablement de la notion de « formes-pensées », décrite par la théosophe britannique Annie Besant (1847-1933) dans ses travaux visant à comprendre les mystères qui unissent l’univers, le divin et l’humanité.

 

Art Canada Institute, Jock Macdonald, Dharana, F.H. Varley, c. 1932
F. H. Varley, Dharana, v. 1932 huile sur toile, 86,4 x 101,6 cm, Musée des beaux-arts de l’Ontario, Toronto. Dharana signifie : « concentration de l’esprit sur une seule pensée et recherche de liberté dans l’essence immatérielle de la réalité ».

Fred Varley (1881-1969) s’intéresse alors au bouddhisme et au mysticisme oriental, ainsi qu’en fait foi le portrait Dharana, 1932, tandis que des membres du groupe de Vanderpant lisent Revelation of Art in Canada (1926), de Lawren Harris (1885-1970), qui se montre de plus en plus attiré par les concepts théosophiques dans son art. Les artistes lisent également la chronique de Bertram Brooker (1888-1955) sur l’art contemporain, qui paraît dans The Vancouver Daily Province, de 1928 à 1930, et le premier Yearbook of the Arts in Canada, publié en 1928-1929 sous la direction de Brooker, dans lequel il réitère l’idée selon laquelle l’art doit être contemporain et le reflet de son époque.

 

Jock Macdonald est l’un des pionniers de la peinture abstraite au Canada. Convaincu que l’art de son temps doit se fonder sur les « conce Lors de sa conférence fondatrice Art in Relation to Nature (L’art en relation à la nature), présentée à la Vancouver Art Gallery en 1940, Macdonald soutient que la forme picturale doit refléter la compréhension actuelle de la réalité. Il cite Albert Einstein et les travaux d’artistes et de théoriciens tels que Kandinsky, qui affirme dans son essai Du Spirituel dans l’art (1912) que le concept de matière est remplacé par celui de « la théorie des électrons » ou des « ondes en mouvement ». En 1934, Macdonald résume les objectifs qui le guident depuis ses premières explorations dans le domaine de l’abstraction – et qui demeureront le fondement de son credo :

 

L’art n’est pas le produit d’une simple imitation de la nature, bien que l’artiste ait conscience, par son étude de la nature, de […] l’ordre unique auquel obéit l’univers entier. L’art […] s’efforce de nous dire quelque chose, quelque chose sur la nature, sur l’univers et sur la vie.

 

[…] L’art devient maintenant l’expression d’idéaux et d’aspirations spirituelles. L’artiste ne s’efforce plus d’imiter fidèlement la nature, mais plutôt d’exprimer l’esprit qui s’y cache.

 

Art Canada Institute, Jock Macdonald, Flight, 193
Jock Macdonald, Flight (Envol), 1939, huile sur toile, 36,5 x 46,4 cm, collection particulière.

 

Préoccupé par la crise économique et la situation politique en Amérique du Nord et en Europe, Macdonald cherche à atteindre un niveau supérieur dans son art. Il aspire à un « langage universel » de l’art. Il écrit à Harry McCurry, directeur de la Galerie nationale du Canada à Ottawa (aujourd’hui le Musée des beaux-arts du Canada), à propos de ses abstractions de la fin des années 1930, notamment Rain (Pluie), 1938, et The Wave (La vague), 1939 :

 

Art Canada Institute, Jock Macdonald, The Wave, 1939
Jock Macdonald, The Wave (La vague), 1939, huile et sable sur toile, 102,2 x 82 cm, Musée des beaux-arts de Montréal.

Ces « modalités » constituent un langage de la pensée dérivé de la nature – sans être complètement géométriques, elles contiennent l’abstraction d’une forme naturelle. […] Cela revient à dire que la 4e dimension est le prolongement de la 3e, tout en possédant un espace et un temps différents; en vertu de cette valeur ajoutée du mouvement, il s’agit d’une dimension tout à fait nouvelle. Cette nouvelle connaissance, cette compréhension graduelle de la 4e dimension donnera lieu à l’éveil d’une nouvelle conscience. En ce qui me concerne, les créations abstraites et semi-abstraites d’un idiome pur sont l’énoncé de cette conscience qui s’éveille. C’est pourquoi mon intérêt pour les expériences sur le prolongement des formes naturelles est bien plus que superficiel.

 

Macdonald continue d’approfondir ces idées pour étayer sa démarche picturale. Dans ses lettres à McCurry et à Maxwell Bates (1906-1980) à Calgary, il s’applique à décrire sa philosophe en détail. Et dans l’introduction d’un catalogue d’exposition pour la Willistead Gallery (aujourd’hui l’Art Gallery of Windsor), en 1954, il réitère ses principes de base :

 

L’art […] doit s’employer à rechercher de nouvelles formes de beauté.
[…] L’art est une expression de la conscience humaine. L’artiste doit s’efforcer d’exprimer la conscience de son temps. Seule cette quête rend possible la découverte de nouvelles formes de beauté.

 

Les formes d’expression artistiques du vingtième siècle sont fondées sur une conception nouvelle de la nature, de l’espace, du temps et du mouvement.
[…] Être créatif, vraiment créatif, ne consiste pas à ajouter quelque chose à l’art du passé pour l’enrichir, il faut (tenter de) s’exprimer dans le langage de son temps.

 

 

Un pionnier de l’abstraction

En 1934, Macdonald peint son premier tableau semi-abstrait, Formative Colour Activity (Composition chromatique). Bien que deux ans s’écoulent avant qu’il ne reprenne ces expérimentations, l’œuvre marque le début de sa recherche visant à traduire les principes de base de la nature sous une forme abstraite.

 

Art Canada Institute, Jock Macdonald, Day Break (May Morning), c. 1937
Jock Macdonald, Day Break (May Morning) (Aurore [Matin de mai]), v. 1937, huile sur toile, 56 x 46 cm, collection particulière.
Art Canada Institute, Jock Macdonald, Chrysanthemum, 1938
Jock Macdonald, Chrysanthemum(Chrysanthèmes), 1938, huile sur toile, 55 x 45,6 cm, Collection McMichael d’art canadien, Kleinburg. Macdonald décrit ses modalités comme des « expressions de la pensée en relation avec la nature ».

En 1936, Macdonald revient à l’abstraction dans une série d’œuvres qu’il appelle « modalités ». Il garde ces expérimentations abstraites secrètes de tous, hormis un petit cercle d’artistes qui le soutient, mais en 1938, il propose quatre de ces œuvres – Day Break (May Morning) (Aurore [Matin de mai]), v. 1937, Rain (Pluie), Winter (Hiver) et Chrysanthemum (Chrysanthèmes) (toutes de 1938) – à la British Columbia Society of Fine Arts, en vue d’une exposition présentée à la Vancouver Art Gallery. Celles-ci choquent sans doute de nombreux visiteurs, car jusqu’en 1928, bien des critiques vancouvérois se disent dépassés par le modernisme et l’art du Groupe des Sept.

 

Même si Toronto a accueilli l’exposition de la Société Anonyme en 1927, et que Bertram Brooker (1888-1955) y a présenté une exposition individuelle de ses toiles abstraites, la majorité des critiques sont hostiles. Au Québec, Paul-Émile Borduas (1905-1960) n’expose pas ses premiers tableaux automatistes avant 1942. Macdonald, qui est le premier artiste de Colombie-Britannique à exposer des toiles abstraites, est donc surpris de l’accueil plutôt favorable que suscitent ses quatre modalités. En juillet 1938, il envoie son tableau semi-abstrait Pilgrimage (Pèlerinage), 1937, à la Galerie nationale du Canada à Ottawa, ainsi que la pièce plus figurative Drying Herring Roe (Séchage des œufs de hareng), 1938, pour l’exposition Century of Canadian Art, présentée à la Tate Gallery à Londres. En 1939, Pluie, 1938, et Envol, 1939, sont présentés dans l’exposition du Groupe des peintres canadiens à l’Art Gallery of Toronto (aujourd’hui le Musée des beaux arts de l’Ontario), et Winter (Hiver), 1938, est sélectionné pour l’exposition d’art canadien à l’Exposition universelle de New York.

 

Art Canada Institute, Jock Macdonald, Winter, 1938
Jock Macdonald, Winter (Hiver), 1938, huile sur toile, 56 x 45,9 cm, Musée des beaux-arts de l’Ontario, Toronto.

 

En 1941, la Vancouver Art Gallery organise la première exposition individuelle de Macdonald. Cinq ans plus tard, elle lui consacre une autre exposition personnelle regroupant ses plus récentes explorations abstraites – les peintures automatiques alors devenues centrales dans son œuvre depuis ses premières explorations de l’automatisme sous la tutelle de Grace Pailthorpe (1883-1971) et Reuben Mednikoff (1906-1972). En 1947, le San Francisco Museum of Art (aujourd’hui le San Francisco Museum of Modern Art) expose la plupart de ces œuvres dans une exposition qui sera présentée par la suite à la Hart House Gallery de l’Université de Toronto, au moment où Macdonald emménage à Toronto pour enseigner au Ontario College of Art (aujourd’hui l’Université de l’ÉADO).

 

Art Canada Institute, Jock Macdonald, Twilight Forms, 1955
Jock Macdonald, Twilight Forms (Formes crépusculaires), 1955, huile sur toile, 79,8 x 99,5 cm, Musée des beaux-arts de l’Ontario, Toronto.
Art Canada Institute, Jock Macdonald, Rebels in Manhattan, Time, 1956
« Canadians Abroad », Time, 7 mai 1956.

À Toronto, Macdonald prône l’art abstrait dans son enseignement et joue un rôle déterminant dans l’ouverture du milieu artistique à l’art non-objectif. Plusieurs de ses anciens étudiants seront des chefs de file de la lutte pour la reconnaissance de l’abstraction. En 1952, Alexandra Luke (1901-1967), qui a étudié la peinture automatique avec Macdonald à Banff, organise la Canadian Abstract Exhibition, la première exposition nationale consacrée à la peinture abstraite canadienne, et demande à Macdonald de donner une conférence sur l’abstraction à l’ouverture de l’exposition. Lorsque le groupe Painters Eleven est invité à participer à la 20th Annual Exhibition of American Abstract Artists au Riverside Museum de New York, en avril 1956, leurs œuvres reçoivent surtout des éloges des critiques américains, et la pièce de Macdonald, Formes crépusculaires, 1955, est reproduite dans le magazine Time (l’article qualifie Macdonald de meneur officieux du groupe).

 

Macdonald a toutefois le sentiment que ce succès passe pratiquement inaperçu au pays, alors que le travail des artistes québécois qui pratiquent l’abstraction est soutenu et bien mieux connu. Il s’indigne du fait que, lors de sa conférence au Riverside Museum, l’historien de l’art et conservateur Jean-René Ostiguy (1925-2016) s’en tienne à « parler uniquement des artistes abstraits canadiens-français […] dans la salle même où les œuvres du groupe Painters XI étaient exposées ». Soucieux de remettre les pendules à l’heure, Macdonald écrit à Maxwell Bates (1906-1980) pour lui expliquer que ses propres explorations dans le domaine de l’abstraction précèdent celles de Borduas, tout en reconnaissant que Bertram Brooker et Lawren Harris (1885-1970) ont « ouvert la voie ».

 

À la fin des années 1950, la situation évolue à Toronto et au Canada anglais, et l’art non-objectif commence à s’imposer. Comme l’écrit le critique québécois Rodolphe de Repentigny lors de l’exposition du groupe Painters Eleven à Montréal, « à peine trois ou quatre ans ont passé [depuis leur première exposition] que déjà l’on considère les Onze comme des peintres aînés ». En 1957, l’article de Maxwell Bates « Jock Macdonald: Painter-Explorer », publié dans Canadian Art, confirme l’importance de Macdonald.

 

Art Canada Institute, Jock Macdonald, Opening of the 20th Annual Exhibition of American Abstract Artists, New York, 1956
Inauguration de la 20th Annual Exhibition of American Abstract Artists, New York, 1956. Photographie : Bob Cowans. À partir de la gauche : Jock Macdonald, M. B. Kesserling (vice-consul canadien), Nettie S. Horch (directrice, Riverside Museum, New York), Alexandra Luke, Jack Bush, Helen Ronald et William Ronald.
Art Canada Institute, Jock Macdonald, Jock Macdonald: Painter-Explorer, an article by Maxwell Bates in Canadian Art, Summer 1957
« Jock Macdonald: Painter-Explorer », article de Maxwell Bates publié dans Canadian Art, été 1957.

 

Ses tableaux à l’huile et à la Lucite sont largement reconnus pour la vision et la maîtrise uniques dont ils font preuve. Macdonald est particulièrement productif durant les dernières années de sa vie; il a trouvé sa voie et peint sans relâche pour répondre aux demandes d’expositions individuelles à Toronto – à la Hart House Gallery en 1957, à la Park Gallery en 1958, au Arts & Letters Club en 1959, et à la Here and Now Gallery en 1960. Macdonald est transporté de joie lorsque l’Art Gallery of Toronto propose de lui consacrer une rétrospective en 1960. Il écrit à Bates : « Les critiques ont été très élogieux à l’égard de mon travail, les artistes semblent aussi l’avoir apprécié et le public s’y est fortement intéressé. »

 

Art Canada Institute, Jock Macdonald, All Things Prevail, 1960
Jock Macdonald, All Things Prevail (La prédominance de toutes choses), 1960, Lucite 44 sur toile, 106,7 x 122,1 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.

 

 

Un bâtisseur de communautés artistiques

Lorsque Macdonald arrive à Vancouver en 1926, il y a peu d’associations d’artistes dans l’ouest du Canada. Conscient de leur utilité, il participe à la fondation de plusieurs associations, et accepte dans certains cas d’en assumer la direction. En 1931, il expose pour la première fois avec l’Académie royale des arts du Canada. En 1933, il fait partie des 28 fondateurs du Groupe des peintres canadiens, qui succède au Groupe de Sept – un groupe diversifié d’artistes progressistes souhaitant améliorer la reconnaissance des artistes du pays. Macdonald expose régulièrement avec ces deux associations au Canada et aux États-Unis.

 

Art Canada Institute, Jock Macdonald, Jock Macdonald's design for the catalogue cover for the 34th Annual Exhibition of the British Columbia Society of Fine Arts, 1944
onception graphique de la couverture du catalogue de la 34e exposition annuelle de la British Columbia Society of Fine Arts par Jock Macdonald, 1944.
Art Canada Institute, Jock Macdonald, First Conference of Canadian Artists at Queen’s University (Kingston Conference)
Première conférence des artistes canadiens à l’Université Queen’s (Conférence de Kingston). Photographie: Hazen Edward Sise. À partir de la gauche, rangée avant : André Biéler, Michael Forster, A. Y. Jackson, Lowrie Warrener; deuxième rangée : Alma Duncan (robe blanche) et Tom Stone; troisième rangée : Miller Brittain, Walter Abell; quatrième rangée : Jock Macdonald.

En 1939, il est nommé vice-président de la British Columbia Society of Fine Arts, dont il est membre, et en assume la présidence en 1941. À ce titre, il assiste à la déterminante Conférence de Kingston, qui réunit pour la première fois des artistes d’un océan à l’autre afin de réfléchir aux objectifs des arts au Canada. Il fait partie des membres fondateurs de la Fédération des artistes canadiens, l’organisme national qui représentera désormais les intérêts des artistes dans tout le pays.

 

Lorsqu’il s’installe à Calgary en 1946, frustré par le peu de débouchés pour les artistes qui explorent des formes d’expression contemporaines, Macdonald écrit : « Il y a quelques jeunes artistes créatifs + j’essaie de les encourager à former un petit groupe, afin qu’ils se libèrent des frustrations que leur fait subir l’Alberta Society of Artists depuis trop longtemps. » En avril 1947, il facilite la formation d’une association de « six jeunes artistes progressistes », le Groupe de Calgary, axée sur la peinture non-figurative, et organise pour eux une exposition à la Vancouver Art Gallery. Il se joint également à la plus traditionnelle « Southern Section » de la Fédération des artistes canadiens, avec l’intention d’amener une vision plus progressiste, et se fait élire à son conseil exécutif. Après avoir emménagé à Toronto, il rejoint l’Ontario Society of Artists, dont il sera membre exécutif en 1952. La même année, il est nommé président de la Société canadienne de peintres en aquarelle.

 

En 1954, Macdonald contribue à la fondation du groupe Painters Eleven. Il participe à ses expositions et à la promotion du travail de ses membres. Durant son séjour d’un an en Europe, en 1955, il parcourt les galeries de Londres et de Paris pour leur présenter le travail de ses collègues canadiens, particulièrement les membres de Painters Eleven. Après une tournée de galeries au Royaume-Uni et à Paris, il écrit qu’il croit fermement que « la peinture est nettement plus originale et imaginative au Canada qu’ici ». Au printemps de 1958, il est invité à aménager une salle consacrée à l’art abstrait et non-objectif pour la Canadian National Exhibition à Toronto – ce qui demeure un défi de taille, vu la controverse qui persiste dans cette ville sur la légitimité de l’art abstrait.

 

Art Canada Institute, Jock Macdonald, Contemplation, 1958
Jock Macdonald, Contemplation, 1958, huile et Lucite 44 sur masonite, 68,5 x 122 cm, Art Gallery of Greater Victoria.

 

 

Professeur et mentor

À l’exception des dix-huit mois qu’il passe à Nootka, de 1935 à 1936, et de son séjour en Europe, en 1955, Macdonald enseigne chaque année après son arrivée au Canada en 1926, et souvent durant la session d’été également. Il donne des cours au niveau postsecondaire à Vancouver, à Calgary et à Toronto, au secondaire à Vancouver, et dans divers centres d’art à Banff, à Edmonton et à Doon durant l’été. Nommé professeur de beaux-arts au Séminaire international pour étudiants de l’UNESCO, il donne des cours à Breda (Pays-Bas), en 1949, et à Pontigny (France), en 1950. Il enseigne également à Victoria, en Colombie-Britannique, à l’occasion d’une résidence d’artiste à l’Art Centre of Greater Victoria (aujourd’hui l’Art Gallery of Greater Victoria) en 1952.

 

Art Canada Institute, Jock Macdonald, Jock Macdonald and students at the Banff School of Fine Arts, 1951
Jock Macdonald en compagnie d’élèves de la Banff School of Fine Arts, 1951. Photographe inconnu.

 

Les lettres de Macdonald à ses amis et collègues témoignent de sa frustration constante face à ses conditions de travail souvent contraignantes. Il y décrit ses conflits avec divers administrateurs et collègues enseignants qui, attachés à l’art figuratif, se montrent hostiles à son égard parce qu’il prône une approche artistique contemporaine. Macdonald s’efforce d’apporter des changements au programme d’études traditionnel, dans certains cas avec succès, mais il doit parfois contourner le système pour arriver à ses fins. Décrivant ses premiers mois au Provincial Institute of Technology and Art à Calgary comme « une dure bataille », il parvient à modifier le programme de cours pour y introduire « tout le processus créatif + expérimental que je peux imposer [aux élèves] ».

 

À son arrivée à l’Ontario College of Art à Toronto (aujourd’hui l’Université de l’ÉADO), Macdonald propose un cours « sur les modes d’expression créatifs du vingtième siècle ». Ce cours est non seulement admis, mais il est reconnu comme étant une « absolue nécessité » – une réussite majeure, note-t-il, car : « que le collège reconnaisse la valeur de toute forme d’expression non académique est vraiment quelque chose ». Dans la classe de composition de deuxième année, les étudiants travaillent « strictement à partir d’idées expressives + créatrices – avec la musique, avec n’importe quel médium de leur choix, et l’accent [est] entièrement sur l’espace, le mouvement, etc ». Les administrateurs et les collègues ultérieurs de Macdonald seront généralement moins ouverts à ses initiatives. Si ces derniers sont récalcitrants, les étudiants, toutefois, ne le sont pas. Nombre d’entre eux décriront leur plaisir à travailler avec Macdonald, non seulement en classe, mais aussi de manière informelle, au collège ou dans le cadre de cours et de discussions hors campus.

 

Art Canada Institute, Jock Macdonald, Circus, by Alexandra Luke, 1948
Alexandra Luke, Circus (Cirque), 1948, aquarelle et encre sur papier, 32,8 x 38,4 cm, The Robert McLaughlin Gallery, Oshawa.

Macdonald est un professeur inspirant qui soutient ses étudiants et leur démarche. Il initie Alexandra Luke (1901-1967) à la peinture automatique à la Banff School of Fine Arts, où il incite les étudiants à créer de leur for intérieur, sans se soucier des formes naturelles. La peintre de Calgary Marion Nicoll (1909-1985) attribue son succès en tant qu’artiste abstraite à l’influence des enseignements de Macdonald en matière de peinture automatique. Thelma Van Alstyne (1913-2008), qui a étudié auprès de Macdonald à l’école Doon, le décrit comme un philosophe et un mentor, un « professeur supérieur » et le « “père” de l’art non-objectif au Canada ». William Ronald (1926-1998), qui sera plus tard un collègue de Macdonald au sein du groupe Painters Eleven, se souvient que la partie la plus stimulante de ses cours était lorsqu’ils discutaient, par exemple, de Search for the Real and Other Essays (1948), de l’expressionniste abstrait américano-allemand Hans Hofmann (1880-1966), ou de Tertium Organum: The Third Canon of Thought, A Key to the Enigmas of the World (1922), du mathématicien russe P. D. Ouspensky (1878-1947). Ronald décrit Macdonald comme étant la personne la plus influente de sa carrière : « Jock croyait en l’encouragement qu’il donnait à ses élèves, car bien souvent c’est là tout ce qui nous soutenait. »

 

Macdonald n’est pas qu’un professeur inspirant et motivant : il est également le porte-parole des étudiants en qui il croit. Il achète leurs œuvres, échange avec eux ses propres tableaux et leur prête de l’argent, malgré sa situation financière précaire. Il écrit : « Mis à part mes propres efforts dans le domaine de l’art, ma plus grande joie provient de ces rares occasions où je peux promouvoir le talent naissant de nos jeunes artistes. »

 

Par-dessus tout, Macdonald soutient ses étudiants, peu importe la voie qu’ils empruntent. Comme il l’écrit à Frank Palmer (1921-1990) : « Tout ce que je souhaite, c’est que vous poursuiviez votre chemin […] que vous ignoriez les commentaires que vous entendrez […] et que vous “creusiez le sillon” de ce champ particulier […] qui correspond à votre être intérieur, à votre conscience. Votre for intérieur fleurira, c’est inévitable. »

 

Art Canada Institute, Jock Macdonald, Memory of Music, 1959
Jock Macdonald, Memory of Music (Souvenir de musique), 1959, huile sur carton entoilé, 81 x 100 cm, Vancouver Art Gallery.

 

Dans ses classes pour les enfants, à Vancouver comme à Toronto, Macdonald privilégie une approche interdisciplinaire. En 1943, alors qu’il est chargé de créer un programme artistique destiné aux enfants à la Vancouver Art Gallery, il écrit : « Les classes seront d’une durée de 20 semaines. J’espère qu’elles seront […] mémorables. […] Je compte […] faire jouer de la musique symphonique durant les classes du samedi matin. […] Je crois qu’un peu de bonne vibration musicale dans les salles contribuera à l’ambiance recherchée pour l’enseignement de l’art + cela permettra à tout le moins aux enfants d’avoir une certaine idée de l’unité des arts. Je me réjouis à l’avance des classes du samedi matin. »

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