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La nuit bleue, 1953

Blue Night (La nuit bleue)

Jean Paul Riopelle, Blue Night (La nuit bleue), 1953
Huile sur toile, 114 x 194,9 cm

© Succession Jean Paul Riopelle / SOCAN (2019)
Solomon R. Guggenheim Museum, New York

Blue Night (La nuit bleu) de Jean Paul Riopelle est une composition ambitieuse. Une surface multicouches est sillonnée de couleurs suivant une trame complexe, tout à la fois contenue et explosive, régulée au rythme des coups de spatule. L’image elle-même semble fracturée, comme si la fenêtre sur le monde qu’elle aspire à être avait été éclatée par l’artiste pour révéler l’abstraction qui se cache derrière.

 

Georges Mathieu, Fourth Avenue (Quatrième avenue), 1957, huile sur toile, 152,4 x 152,4 cm. © Succession Georges Mathieu / SOCAN (2019).

L’œuvre est présentée pour la première fois à la fameuse exposition Younger European Painters: A Selection (Jeunes peintres européens : une sélection) tenue au Solomon R. Guggenheim Museum du 2 décembre 1953 au 21 février 1954. L’édifice iconique conçu par Frank Lloyd Wright n’avait pas encore été construit si bien que l’exposition est présentée au 24, 54e rue Est à Manhattan. L’exposition est conçue par le directeur du musée, James Johnson Sweeney (1900-1986), qui ambitionne de confronter les avant-gardes de part et d’autre de l’Atlantique. En même temps, il souhaite célébrer les artistes de l’École de Paris après l’accueil chaleureux des Américains à Paris en 1951, dans le cadre d’un événement comme Véhémences confrontées. Dans les journaux couvrant l’exposition, Riopelle est décrit comme un peintre parisien d’origine canadienne.

 

La réaction de la critique américaine aux œuvres de l’exposition a été plutôt positive, mais les « Younger Europeans » ont inévitablement été comparés aux expressionnistes abstraits américains. Riopelle, en particulier, a été associé à Jackson Pollock (1912-1956), nul doute que les lignes blanches qui sillonnent ses tableaux, comme celles de La nuit bleue, en sont la cause. Robert Goldwater, historien de l’art américain et époux de l’artiste Louise Bourgeois (1911-2010), emballé par l’exposition, a déclaré le choix de Sweeney fort représentatif des nouveaux développements artistiques du temps. « L’abstraction domine, » ajoute-il, « comme il se doit, mais se présente dans une étonnante variété de styles. » Goldwater est particulièrement intéressé par l’œuvre de Georges Mathieu (1921-2012), qu’il lie à Riopelle, en ce que tous deux partagent ce qu’il appelle des « tendances expressionnistes ».

 

Si l’exposition annonce la rivalité qui s’est creusée entre les Écoles de Paris et de New York, renforcées dans les années 1950 sous l’influence du critique formaliste Clement Greenberg (1909-1994), elle n’en est pas moins marquée par une grande connivence entre les praticiens de l’abstraction, des deux côtés de l’océan. C’est aussi, pour Riopelle, une consécration : La Presse montréalaise du 5 décembre 1953 annonce d’ailleurs que La nuit bleue a été acquise par le Guggenheim pour sa collection permanente.

 

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