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Le champ de tir [Camp au lever du soleil] 1915

Homer Watson, Le champ de tir [Camp au lever du soleil], 1915

Homer Watson, The Ranges [Camp at Sunrise] (Le champ de tir [Camp au lever du soleil]), 1915
Huile sur toile, 152 x 181 cm
Musée canadien de la guerre, Ottawa

Le tableau connu aujourd’hui sous le nom de Camp au lever du soleil est à l’origine exposé sous le nom de Le champ de tir, l’une des rares toiles à thème militaire que Watson a peintes pendant et immédiatement après la Première Guerre mondiale. Le champ de tir montre un ciel couvert de nuages sur plus de la moitié de sa surface. En dessous, un autre quart de la hauteur de la toile est constitué des Laurentides peintes en couleurs. Les montagnes dominent une rangée de minuscules figures humaines couchées sur le sol, s’exerçant au tir à la carabine, sous la surveillance d’une douzaine d’officiers.

 

Le 1er Bataillon d’infanterie canadienne s’entraînant à Valcartier, Québec, 1914
Le 1er Bataillon d’infanterie canadienne s’entraînant à Valcartier, Québec, 1914, photographe inconnu, Collection d’archives George-Metcalf, Musée canadien de la guerre, Ottawa 

Contrairement à plusieurs autres artistes canadiens — A. Y. Jackson (1882-1974), Frederick Varley (1881-1969) et David Milne (1881-1953), par exemple — qui sont chargés de rendre compte des activités militaires en Europe, Watson (qui avait cinquante-neuf ans au début de la guerre) ne quitte pas le Canada. En 1914, le général Sam Hughes, ministre de la Milice du Canada, demande plutôt que Watson se charge de réaliser des peintures documentant le recrutement et l’entraînement du premier contingent du Corps expéditionnaire canadien au camp de Valcartier, à Québec.  Watson a des doutes, mais il se laisse persuader que Valcartier offre un sujet de paysage fascinant. En septembre 1915, après presqu’un an de travail, il a réalisé trois toiles, dont les scènes se jouent toutes dans le camp, et qui sont toutes beaucoup plus grandes que tout ce qu’il a fait auparavant.

 

Certains critiques ne tiennent tout simplement pas compte des trois tableaux lorsqu’ils sont exposés à l’Académie royale des arts du Canada (ARC) et au Canadian Art Club en 1915. D’autres sont ouvertement critiques. Samuel Morgan-Powell, par exemple, les rejette comme étant des sujets intrinsèquement dépourvus de valeurs artistiques, plus adaptés aux couloirs du bureau du général Hughes qu’à une galerie d’art. Le critique du Montreal Herald est plus positif, mais il reconnaît que Watson est un choix plutôt étrange pour la commande :

 

Pour un peintre paysagiste, la rectitude de la ligne et la précision mathématique dans tous les détails si chers au cœur du commandant militaire ne vont pas de soi… M. Watson a donc été obligé de faire des compromis. Il a peint le Valcartier de la nature d’abord, et le Valcartier de l’histoire ensuite.

 

Homer Watson, Passage to the Unknown (Passage vers l’inconnu), 1918-1920
Homer Watson, Passage to the Unknown (Passage vers l’inconnu), 1918-1920, huile sur toile, 140 x 204 cm, emplacement inconnu, reproduction d’une image en noir et blanc parue dans RACAR: Revue d’art canadienne / Canadian Art Review, vol. 14, no 2 (1987). 

Le critique du Herald a raison. Le champ de tir est nettement l’œuvre de quelqu’un qui est à l’aise avec la peinture de paysage, mais qui n’a jamais auparavant inclus plus de six ou sept personnes dans une seule image et qui ne fait généralement pas de l’activité humaine l’élément dominant de son art. Comme le Herald l’exprime, Watson a dépeint « des événements temporaires dans un cadre permanent ». Ce n’est probablement pas exactement ce que Hughes avait envisagé, lui dont la priorité était de mettre en évidence l’ampleur et l’intérêt des activités des troupes.

 

Vers la fin de la guerre, Watson accepte une autre commande sur le thème militaire, celle du commandant J. K. L. Ross, le fils de son protecteur le plus important, James Ross. À cette occasion, cependant, il s’aventure dans le symbolisme, reflétant peut-être son intérêt croissant pour le spiritisme après la mort de sa femme en 1918.  L’un des tableaux, Passage to the Unknown (Passage vers l’inconnu), 1918-1920, traite du début de la guerre : une route se transforme en une passerelle à piétons sur laquelle les soldats peuvent passer pour aller servir en Europe. Dans l’autre tableau, Out of the Pit (Hors de la fosse), 1919, Watson évoque l’espoir pour l’avenir à la fin de la guerre en juxtaposant un château en feu, un arc-en-ciel et un arrière-plan lumineux. Alors que Le champ de tir a ses défenseurs, Passage vers l’inconnu semble n’avoir plu à presque personne, et a été possiblement détruit par Ross lui-même.

 

 

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