Molly Lamb Bobak (1920-2014) est ce qu’on peut appeler à juste titre une peintre de la vie moderne. Les foules animées, les intérieurs domestiques et les fleurs fraîches sont ses sujets de prédilection. Née dans une famille atypique, mais stimulante et cultivée, elle étudie à la Vancouver School of Art et devient en 1945 la seule femme jamais nommée artiste de guerre officielle du Canada. Plus tard la même année, elle épouse un collègue-peintre, Bruno Bobak, et en 1961, le couple s’installe à Fredericton. Artiste professionnelle et enseignante, elle a une place assurée parmi les peintres célèbres et ses œuvres figurent dans d’importantes collections partout au Canada.
La bohème des premiers jours
Née dans une famille peu conventionnelle à l’île Lulu, près de Vancouver, le 25 février 1920, Molly Joan Lamb semble promise au destin d’artiste. La maison de son enfance est à la fois une enclave bohémienne et un lieu d’échanges artistiques et intellectuels. Son père Harold Mortimer-Lamb (1872-1970), ingénieur minier né en Grande-Bretagne, est également photographe, critique d’art et, dans les années 1920, un apologiste précoce du Groupe des Sept. Des artistes canadiens accomplis, dont Lawren Harris (1885-1970), J. E. H. MacDonald (1873-1932), Arthur Lismer (1885-1969), Frederick Varley (1881-1969), A. Y. Jackson (1882-1974), Emily Carr (1871-1945), Jack Shadbolt (1909-1998), le photographe John Vanderpant (1884-1939) et l’architecte Sam Maclure (1860-1929), sont des habitués de la maison et de ses discussions animées sur l’état de la pratique artistique contemporaine.
Bien que Mortimer-Lamb se soit établi en Colombie-Britannique à l’âge de seize ans, il a également des liens avec le milieu artistique international. Les artistes qui fréquentent ses salons débattent d’idées mises de l’avant par l’influent critique britannique Roger Fry (1866-1934), telles l’importance des aspects formels — ligne, forme, texture et couleur — ou l’appréciation du postimpressionnisme et d’autres courants de l’art moderne. La fille de Fry, Pamela, qui a épousé un Juif roumain, est hébergée par les Lamb lorsque sa famille fuit l’Angleterre après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale; elle emporte avec elle le Renoir de son père et l’accroche au-dessus du manteau de la cheminée.
La famille Lamb est une famille bourgeoise tout ce qu’il y a de plus classe moyenne, et pourtant excentrique par sa composition. Mortimer-Lamb vit avec sa femme Kate (née Lindsay) et avec sa maîtresse, Mary Williams, la mère de Molly. Williams, que beaucoup surnomment « Woody », fait la connaissance de Mortimer-Lamb en 1918 alors qu’il travaille à Montréal et que sa femme vit recluse, bouleversée par le décès de leur fille Dorothy, affectueusement appelée Dolly. Williams offre ses services à la famille et devient leur domestique. Une relation intime se noue entre elle et Mortimer-Lamb, qui, après avoir fait une dépression nerveuse, regagne la Colombie-Britannique avec sa femme, ses quatre fils et Williams à leur suite. Molly se rappellera plus tard que sa belle-mère Kate « en voulait à [la mère de Molly], même si elle avait besoin d’elle, et faisait toujours comme si elle était une servante ». La relation entre les parents de Molly se poursuivra encore vingt-deux ans, mais Molly sera la seule enfant.
Mortimer-Lamb accepte le poste de secrétaire de la Mining Association of British Columbia et la famille s’installe dans une ferme du nom de Hill Cottage, sur la rive sud de Burnaby Lake. Dans ses mémoires, Wild Flowers of Canada: Impressions and Sketches of a Field Artist (1978), Molly Lamb Bobak, nom qu’elle porte après son mariage à Bruno Bobak (1923-2012), relate les moments heureux qu’elle a passés entourée d’animaux et d’une campagne immense : « Que d’espace nous avions! Prés, bois, jardins enchevêtrés, cours d’eau, étangs — et, bien sûr, la vieille maison abandonnée de Mervin, avec ses planches de bois sombre usées par les intempéries et ses carreaux cassés. » Elle y décrit ses aventures créatives, les pièces de théâtre écrites et jouées avec une amie.
En 1926, avec le photographe John Vanderpant, Mortimer-Lamb ouvre une galerie commerciale rue Robson à Vancouver. Ils y exposent les œuvres de peintres, de sculpteurs et de photographes canadiens et sont bientôt connus pour leurs images avant-gardistes. En 1939, Mortimer-Lamb — qui compte parmi les premiers promoteurs de la peintre Emily Carr — immortalisera l’artiste dans son atelier. Comme le note Lamb Bobak, « la célèbre photographie d’Emily portant sa calotte, accoudée à la table, est de mon père ». Suivant l’exemple de la Gallery 291 d’Alfred Stieglitz (1864–1946) à New York, les Vanderpant Galleries veulent reconnaître et promouvoir les innovations tant en photographie qu’en peinture. La galerie devient bientôt un carrefour pour la musique, la poésie, l’art et les débats d’idées, et c’est aussi l’un des premiers établissements commerciaux de la côte Ouest à présenter les œuvres du Groupe des Sept.
La famille s’installe dans une demeure sise au 1075, 54e avenue Ouest, dans le quartier vancouvérois de Kerrisdale. Pour Molly, qui grandit, les intérêts de Mortimer-Lamb forment le noyau intellectuel de sa vie, en particulier les salons artistiques et intellectuels qu’il tient régulièrement à la maison. Même lorsqu’il quitte la galerie en mars 1927, en raison de lourdes pertes financières, il maintient des liens solides avec le monde de l’art contemporain et d’autres milieux culturels de la province.
Mary Williams joue elle aussi un rôle vital dans la vocation artistique de sa fille. Elle donne à l’univers de Molly un ancrage affectif, cultivant son indépendance d’esprit, son indifférence générale à l’égard des conventions et sa détermination à vivre et à travailler comme elle l’entend. Elle lui transmet également sa passion pour la nature et les fleurs. Molly s’émerveille du talent avec lequel sa mère raconte des histoires, notamment celles de ses débuts au Nouveau-Brunswick, fraîchement débarquée au Canada, et des emplois variés qu’elle a occupés. Williams encourage l’intérêt précoce que Molly voue au dessin et à la peinture, intérêt qui prendra toute son importance lorsque Molly aura des difficultés scolaires à cause de sa mauvaise vue et d’un programme qu’elle trouve ennuyeux. Elle suggère alors à sa fille de s’inscrire à la Vancouver School of Art.
Le développement artistique
Ce transfert à l’école d’art en 1938 marque un tournant pour Molly Lamb. Malgré des débuts difficiles et peu enthousiastes, elle découvre sa passion pour l’art l’année suivante au contact de Jack Shadbolt, dont les cours exigeants ont quelque chose de « tout à fait électrique ». À la différence des professeurs précédents, Shadbolt voit du bon dans son travail et l’aide à améliorer sa technique de dessin et son travail de composition, habiletés parfaitement visibles dans les traits assurés et l’organisation spatiale de Untitled [Vancouver] (Sans titre [Vancouver]), v.1941.
Comme elle l’écrira plus tard, « ses encouragements comptaient beaucoup pour moi. Tout pouvait arriver désormais; tout était possible avec un peu d’habileté et beaucoup de travail — Shadbolt m’a ouvert les portes d’un monde extraordinaire ». Lorsqu’il montre des images de Paul Cézanne (1839-1906) en classe, Lamb s’extasie :
Ce que Cézanne parvenait à faire d’une simple pomme ou d’une carafe de verre! On voyait les couches d’aquarelle sur les surfaces et les touches bleues tendues se brisant aux extrémités, ouvertes, mouvantes. Soudain, on ne voyait plus des pommes ou des carafes mais de la peinture. J’en suis presque devenue folle.
Shadbolt servira de proche confident et de mentor à Lamb pendant plusieurs dizaines d’années après la fin de ses études en art. La jeune femme suit aussi les cours de Jock Macdonald (1897-1960) et de Frederick Varley, jusqu’à ce qu’ils quittent l’école pour fonder un établissement concurrent, le British Columbia College of Arts. Elle a plus tard décrit Varley comme un enseignant que les élèves adoptaient ou rejetaient complètement. Lamb apprend ensuite aux côtés de Fred Amess (1909-1970), ancien élève de Varley. Elle obtient son diplôme en 1941, et jusqu’à sa mort, pas un jour ne passe sans qu’elle ne crée quelque chose, qu’il s’agisse d’une simple esquisse ou d’une toile achevée. L’appel moderniste à expérimenter l’abstraction ne l’a jamais détournée de la représentation reconnaissable des scènes qu’elle a sous les yeux.
Entretemps, la cellule familiale élargie de Lamb se défait. La femme de Mortimer-Lamb, Kate, meurt en 1939. Molly et ses demi-frères, maintenant adultes, ont quitté la maison. Après avoir refusé la demande en mariage de Mortimer-Lamb, Mary Williams part s’installer dans une propriété de villégiature qu’il lui a achetée à l’île Galiano, un peu au large de la côte, près de Vancouver. Au cours de l’été 1942, Mortimer-Lamb épouse Vera Weatherbie (1909-1977), une artiste éprise de mysticisme qui a fréquenté la Vancouver School of Art en même temps que Lamb. Weatherbie a servi de muse à Varley, qui a fait plusieurs portraits de son élève; elle a également fait un portrait de Lamb, durant sa première année d’études, « un bon portrait, jugera Lamb plus tard, mais qui évoque davantage le caractère docile de Vera que le mien. J’étais une gamine rondelette à l’époque, j’avais les cheveux en bataille, des habits de paysanne, des humeurs tristes […] mais Vera m’a dépeinte sage, sans rubans volant au vent. »
Durant l’été 1940, alors que Lamb occupe un emploi de femme de chambre à Yellow Point Lodge sur l’île de Vancouver, elle commence à tenir un journal personnel illustré de caricatures. Tantôt appelé The Daily Dishwasher, The Daily Chore Girl—Galiano’s Dish Rag et The Daily Dishrag, ce remarquable document se présente comme un quotidien grand format. Il a pour source d’inspiration l’œuvre d’un artiste que Lamb affectionne à l’adolescence, le caricaturiste et commentateur de la vie sociale et politique française Honoré Daumier (1808-1879), dont le père de Molly collectionnait les images. Durant cette période de travail sur l’île de Vancouver et de déplacements pour rendre visite à sa mère, à l’île Galiano, et à son père, à Vancouver, Molly Lamb dessine tous les gens qu’elle croise. Elle reconnaîtra plus tard avoir entamé sa carrière en tant que caricaturiste, contre l’avis de Jack Shadbolt. Elle est douée d’un sens aigu de l’absurde et ne craint pas l’autodérision, mais ses caricatures sont empreintes de compassion et ne portent jamais de jugement.
Vous voilà dans l’Armée!
À l’automne 1942, Molly Lamb s’enrôle dans le Service féminin de l’Armée canadienne (CWAC). Personne ne sait exactement ce qu’elle a fait dans l’intervalle qui a suivi l’obtention de son diplôme de la Vancouver School of Art, mais il est possible qu’elle ait essayé de gagner sa vie comme peintre. Un portrait à l’huile, Figure, v.1941, témoigne de cette période. Il dépeint une figure assise, disproportionnée mais picturale, tenant un panier de fruits. Une inscription au dos du tableau indique l’adresse du père de l’artiste, 54e avenue Ouest, et un prix de vente de vingt dollars. Lamb n’expliquera jamais ce qui l’a incitée à entrer dans l’armée, mais il semble qu’elle regrette presque aussitôt son choix :
J’ai passé un examen médical et signé des papiers tout l’après-midi. Quand on a eu terminé, le caporal m’a conduite à ma chambre. Nue, nue, nue — jusqu’à l’ampoule électrique dénudée accrochée au-dessus de la couchette brune à deux étages qui devait me servir de lit (celle du haut). Je me suis demandé quelle idée j’avais eue. J’ai décidé d’aller prendre l’air gris de novembre au plus vite, mais à mon grand désarroi on me l’a interdit. J’avais besoin d’un passe, et c’est ce qui m’a le plus outrée. J’ai finalement réussi à m’en procurer un qui m’autorisait à sortir jusqu’à 23 h. Maman était de passage en ville et nous avons convenu de nous retrouver au Scott’s Café pour le dîner. Je ne pouvais rien avaler tant j’étais contrariée, ce qui l’a inquiétée vu ma goinfrerie. « Nous allons te sortir de là », me dit-elle […]. Trois jours plus tard, j’étais si heureuse que rien ne m’aurait fait quitter l’armée.
La vie militaire convient à cette jeune femme qui ne manque pas de cran. Lamb pratique les exercices militaires de rigueur et s’acquitte consciencieusement des tâches de buanderie et de cantine dévolues aux femmes, mais elle ne tarde pas à trouver ses propres intérêts. « La structure même de la vie militaire convient au peintre », écrit-elle dans Canadian Art. « Où que l’on se tourne il y a quelque chose de fantastique à peindre. Il y a de la matière à foison dans une seule caserne, encore que — l’on pourrait passer des heures au bureau du hall principal à dessiner les CWAC qui enregistrent leurs entrées et sorties, les nouvelles recrues, les filles de corvée en salopette, l’officier de service. »
Lamb tient un journal dès son arrivée : W110278: The Personal War Records of Private Lamb M. (publié dans sa version intégrale en 1992, avec les commentaires éditoriaux de Carolyn Gossage, sous le titre Double Duty: Sketches and Diaries of Molly Lamb Bobak, Canadian War Artist). Comme le journal de Yellow Point Lodge, ce témoignage de guerre exceptionnel reprend le format d’un quotidien, avec ses gros titres, ses éditoriaux, ses cahiers spéciaux et ses entrevues. Ponctué de récits personnels et instructifs, il suit la vie de Lamb au sein du CWAC entre 1942 et juin 1945, offrant une perspective inédite sur le rôle du Service féminin dans l’effort de guerre — notamment illustré dans le tableau Gas Drill (Manœuvres avec masque à gaz), 1944. Le journal compte cent quarante-sept feuillets et près de cinquante croquis sur feuilles volantes intercalés dans les pages. La première inscription annonce déjà l’humour dont sera teintée la chronique de la vie dans l’armée de Lamb : « Une jeune femme prend une décision gravissime! “Vous voilà dans l’armée” Examen médical réussi. »
L’armée marque profondément Lamb, tant sur le plan personnel que professionnel. « J’ai eu une bonne guerre », dira-t-elle, et son Self-Portrait (Autoportrait), 1942-1943, la dépeint dans un moment d’insouciance, traversant joyeusement la caserne une caisse de bière sous le bras. Elle se met à voyager aussitôt enrôlée. Elle quitte la caserne de Vancouver pour recevoir l’entraînement de base à Vermilion, en Alberta. Ses fonctions de soldat, et par la suite d’officier, la mènent en Alberta et au Québec, puis en Ontario, où elle est postée. Ses supérieurs, reconnaissant ses compétences de graphiste, l’envoient suivre un cours de dessin technique à Toronto.
Appuyée par des amis influents de son père, Lamb se lance dans une campagne assidue pour obtenir le titre convoité d’artiste de guerre officiel. Lors de son séjour à Toronto, elle reprend contact avec A. Y. Jackson, qui s’intéresse à son journal de guerre et en apprécie le point de vue féminin. Comme il fait partie des conseillers du Comité de sélection des artistes de guerre canadiens, son appui est décisif pour la réussite du projet. Jackson la présente également à Charles Comfort (1900-1994), Frances Loring (1887-1968) et Florence Wyle (1881-1968). H. O. McCurry (1889–1964), un autre ami de son père, est directeur de la Galerie nationale du Canada (aujourd’hui le Musée des beaux-arts du Canada) et président du Comité de sélection. Sur les conseils de Jackson, Lamb se rend à Ottawa pour le rencontrer et lui montrer ses dessins. Après ce premier entretien, elle le bombarde de lettres et multiplie les visites, allant même une fois jusqu’à faire le trajet en autostop. Pour l’aider à se procurer des fournitures d’art, McCurry lui donne l’autorisation de les acheter à la Galerie nationale, au tarif scolaire réduit.
Pendant l’été 1943, Lamb est réaffectée à Ottawa, où elle a pour tâche d’illustrer le travail quotidien des bureaux de la formation aux métiers et de documenter les activités de ses collègues du CWAC dans ses temps libres. Comme elle le note dans ses mémoires : « Je n’arrêtais pas de dessiner. Les CWAC à la salle de bain, à la cantine, à la parade, ou autre. » Elle est ensuite envoyée à l’École des métiers de l’Armée canadienne à Hamilton, en Ontario, où elle conçoit des affiches et des cartes de Noël.
Le succès artistique de Lamb se révèle en dehors de l’armée : toujours à l’été 1943, la Art Gallery of Toronto (aujourd’hui la Art Gallery of Ontario) achète trois de ses dessins du CWAC et, en août, le magazine New World en publie six autres, faisant l’éloge de l’esprit et des pouvoirs d’observation qui caractérisent son travail. En mars 1944, le tableau Meal Parade, Hamilton Trades School (Défilé à l’heure du repas, école des métiers de Hamilton), s.d., remporte le deuxième prix ex æquo à l’Exposition d’art de l’Armée canadienne tenue à la Galerie nationale — concours dont les plus hauts honneurs sont décernés au futur mari de Lamb, Bruno Bobak (alors outre-mer).
Son dessin intitulé Dinner Parade (Défilé du dîner), s.d., reçoit également une mention honorable. Elle fera remarquer plus tard que le fait d’avoir remporté ce deuxième prix à l’exposition de la Galerie nationale a contribué à sa nomination, et à celle de Bobak, comme artistes de guerre. Le mois suivant, elle est réaffectée à Toronto pour travailler aux décors et aux costumes du Canadian Army Show, une revue théâtrale. Son projet d’être nommée artiste de guerre officielle jouit à ce stade du plein appui de McCurry, qui lui suggère de concentrer ses efforts sur la production de scènes de foule du CWAC.
Autour de 1943 ou 1944, Molly Lamb fait la connaissance de Pegi Nicol MacLeod (1904-1949), qui partage son temps entre Fredericton et New York. Bien que MacLeod soit politiquement opposée à la guerre, la Galerie nationale du Canada lui demande, en 1944, de documenter la participation des femmes à l’effort de guerre au Nouveau-Brunswick. Ses tableaux dépeignant des militaires du CWAC, du Service féminin de l’Aviation royale canadienne (ARC) et du Service féminin de la Marine royale du Canada (WRCNS) en train de prendre part à des exercices militaires et des défilés, ou occupées au ménage, à la cuisine, à la vaisselle et au service des repas, sont audacieux et colorés, mais dépourvus de la joyeuse camaraderie qui émane de la vie de caserne vue par Lamb. Il est possible que ces deux artistes se soient croisées lors du passage de Lamb à New York en février 1944, mais le supplément « New York by Thumb », qui vient clore le premier volume du journal de guerre de Lamb, ne fait aucune mention de MacLeod. Durant son séjour à New York, cependant, Lamb se rend à la Art Students League pour discuter de son journal et se fait recommander de le montrer aux rédacteurs en chef du magazine Life. Ce qu’elle fait, mais la rencontre restera sans écho.
Finalement, alors que la guerre touche à sa fin en Europe, Lamb obtient la nomination longtemps convoitée d’artiste de guerre officielle auprès du Comité de sélection des artistes de guerre canadiens; elle sera la seule femme à obtenir ce titre. D’autres femmes artistes qui ne sont pas membres des Forces armées, telles Paraskeva Clark (1898-1986) et Alma Duncan (1917-2004), ne sont pas prises en considération, bien qu’elles aient dépeint divers aspects de l’effort de guerre au pays, à la demande de la Galerie nationale du Canada.
Les femmes étant tenues à l’écart des lignes de combat, c’est seulement à la fin des hostilités que Lamb est mutée à Londres, en juin 1945, six semaines après le jour de la Victoire en Europe. Au cours des mois qui suivent, son poste d’artiste de guerre lui permet d’acquérir un précieux bagage professionnel et lui ouvre des portes.
Chargée de documenter les conséquences de la guerre, Lamb partage un studio à la Fairfax House, rue High Holborn, Londres, avec Bruno Bobak, qu’elle rencontre pour la première fois. Elle rencontre également d’autres artistes canadiens — Alex Colville (1920-2013), Will Ogilvie (1901-1989), George Campbell Tinning (1910-1996), Lawren P. Harris (1910-1994) et Tom MacDonald (1908-1978) — et restera en contact avec bon nombre d’entre eux pendant plusieurs dizaines d’années. Quelques semaines après son arrivée à Londres, elle fait un voyage en voiture privée avec chauffeur aux Pays-Bas, en France et en Allemagne, où elle dessine ce qu’elle voit : des villes brûlées et dévastées par les bombes — pensons aux tableaux Ruins, Holborn Street, London (Ruines, rue Holborn, Londres) ou Bremen at Night (Brême la nuit), tous deux peints en 1945 — mais aussi des scènes de réjouissances et des moments du quotidien. Elle dira de ces six semaines qu’elles sont parmi les plus riches et les plus intéressantes de sa vie. Artiste prolifique, elle incorporera une partie de ce matériau dans de nouvelles toiles, par exemple dans le saisissant portrait intitulé Private Roy, Canadian Women’s Army Corps (Soldat Roy, Service féminin de l’Armée canadienne), 1946, mais elle ne représentera jamais les scènes tragiques dont elle a été témoin dans les camps de concentration. Le Musée canadien de la guerre conserve 114 de ses œuvres.
La carrière après l’armée
Dans les premiers temps, Bruno Bobak ignore Lamb et s’indigne même de sa présence dans le studio, mais ils sympathisent peu à peu. Elle décrit leur relation sans fard : « Nous avons passé de bons moments à Londres, puis sommes rentrés à Toronto et nous sommes mariés » plus tard en 1945.
Le couple s’installe à Ottawa mais, en 1946, quand Molly est enceinte de leur fils, l’armée la démobilise pour « raisons médicales ». À sa demande, ils partent pour l’Ouest et élisent domicile à l’île Galiano. Ils tentent d’y gagner leur vie en donnant des cours, en peignant et en acceptant de petits boulots, par exemple en travaillant pour un salaire dérisoire dans une scierie qui appartient à la mère de Molly, Mary Williams, à Retreat Cove.
En 1947, Bruno Bobak commence à enseigner à la Vancouver School of Art et la famille redéménage. Aidé de ses amis architectes Ron Thom (1923-1986) et Douglas Shadbolt (1925-2002), il construit la maison familiale à Vancouver.
Bien que leur situation s’améliore, Molly, qui s’occupe maintenant de deux enfants en bas âge, Alexander (Sasha) et Anny, trouve difficilement le temps de peindre. Elle parvient cependant à dessiner, entre ses obligations domestiques et sa charge d’enseignement à l’école du soir à la Vancouver School of Art. Elle connaît un tel succès comme enseignante qu’on lui demande de donner des leçons d’art un peu partout dans la province; là aussi, ses cours sont bien accueillis, même dans les régions isolées. La jeune femme présente également des aptitudes pour la radio et la télédiffusion (déjà, étudiante à l’école d’art, elle avait passé des auditions pour le radio-théâtre de CJOR à Vancouver) et elle se débrouille si bien que plusieurs de ses leçons sont diffusées à la radio et à la télévision.
Comme artiste, toutefois, Lamb Bobak est de plus en plus exaspérée par ses progrès lents, « stagnants » même. Elle jugera les œuvres de cette période « trop subjectives » ou trop figuratives, ce qu’elle attribue à son devoir de réalisme en tant qu’artiste de guerre. « Quand la guerre est arrivée, explique-t-elle, j’illustrais réellement ce que je voyais. » Elle consulte son mentor Jack Shadbolt, qui lui suggère de renouer avec le « langage formel de la peinture », en s’attardant à la ligne, à la forme et à la couleur plutôt qu’aux thèmes figuratifs et à ce qu’ils évoquent chez elle. Ce conseil bénéfique lui permet de corriger son approche. Peintre arrivée à maturité, travaillant en marge d’un milieu artistique canadien à cheval entre Toronto et Montréal, elle se met à expérimenter et à cultiver sa propre esthétique.
La vie en Europe
En 1950, Jacques Maritain, philosophe français et ambassadeur du Vatican aux États-Unis, découvre les œuvres de Molly Lamb Bobak lors d’un voyage à Vancouver. Impressionné, il achète un de ses tableaux et recommande la candidature de la jeune femme pour une bourse d’études du gouvernement français. Les Bobak se rendent en Europe accompagnés de leurs deux jeunes enfants et passent un an en France. Cette expérience, en particulier le séjour à Paris, s’avère marquante pour Lamb Bobak qui est directement exposée au travail des peintres modernistes, notamment Paul Cézanne, Henri Matisse (1869-1954) et Pablo Picasso (1881-1973). Elle fréquente également l’artiste canadien Joseph Plaskett (1918-2014) qui habite à Paris.
L’influence de Cézanne transparaît dans la composition géométrique ordonnée de son tableau A Bakeshop, Saint-Léonard (Une boulangerie, Saint-Léonard), 1951, ainsi que dans le lotissement coloré du New Housing Project (Nouveau projet domiciliaire), 1956. Cet intérêt pour les motifs refera surface dans des tableaux plus tardifs comme The Saint Ives Train (Le train de Saint Ives), 1958, mais son utilisation croissante de la couleur, dans le traitement de motifs répétés, est également attribuable à Bruno Bobak.
En entrevue, Molly insistera toujours sur le fait que Bruno était un peintre bien différent d’elle et que ses conseils se bornaient aux aspects techniques. Leurs œuvres de cette période, pourtant, si elles confirment les parcours artistiques distincts des Bobak, donnent également à voir l’influence formative de Bruno. Les peintures florales de Molly ressemblent, dans leur approche, aux Primroses (Primevères), v.1960, de Bruno. Tout au long des années 1950, la démarche picturale de Lamb Bobak gagne en maturité tandis qu’elle cherche à concilier son souci de la forme (par exemple, la texture, la composition, la ligne) et les préoccupations que lui dictent ses sujets de prédilection — les foules, les natures mortes florales, les paysages et les scènes urbaines.
De 1957 à 1961, les Bobak passent le plus clair de leur temps outre-mer, grâce à une série de subventions du Conseil des arts du Canada leur permettant de travailler en Angleterre et en Europe. Lors d’un séjour en Norvège, Lamb Bobak a même l’occasion de peindre dans un studio qui a servi à Edvard Munch (1863-1944). Elle s’intéresse par ailleurs à la gravure et exprime le désir de profiter de son séjour dans ce pays pour suivre des cours, mais on ne sait pas si son ambition s’est concrétisée. Prenant Londres comme point d’attache, les Bobak voyagent en Angleterre et sur le continent, et Molly dessine tous les jours. Certains de ses dessins serviront d’études pour de futures huiles et quelques estampes, notamment des scènes de Florence et d’autres villes européennes. Partout où le couple voyage, Molly est influencée par les scènes changeantes qui l’entourent.
À Cornwall, en Angleterre, la famille s’installe dans le village de Lelant et se lie rapidement d’amitié avec la communauté d’artistes de Saint Ives. Le couple rencontre de nombreux peintres et sculpteurs anglais, dont Barbara Hepworth (1903-1975). Lamb Bobak déplore l’influence que la New York School semble exercer sur ces talentueux artistes anglais. Même plusieurs années après s’être établis à Fredericton en 1960, les Bobak retourneront en Europe chaque été pour s’imprégner d’art moderne et renouveler leurs contacts, en particulier avec des artistes et des conservateurs vivant en Angleterre.
Lorsque Lamb Bobak rentre au Canada, H. O. McCurry puis Alan Jarvis (1915–1972), les directeurs de la Galerie nationale du Canada, ainsi que R. H. Hubbard (1916–1989), le premier conservateur de l’art canadien de la galerie, sont admiratifs du travail accompli par l’artiste au cours des dernières années et achètent certains de ses tableaux comme Little Moreton Hall, Cheshire, 1951. En 1953 et en 1960, ils présentent ses œuvres dans la section canadienne de la Bienal de São Paulo, au Brésil; en 1957 et en 1959, l’artiste participe aux deuxième et troisième éditions de la Biennale canadienne tenues à Ottawa et dans d’autres villes.
La vie à Fredericton
Au cours de son séjour en Norvège en 1960, Bruno Bobak se voit offrir un poste d’artiste en résidence d’une durée d’un an à l’Université du Nouveau-Brunswick. La famille déménage à Fredericton l’automne suivant.
Ce contrat terminé, ils retournent faire un court séjour à Londres mais s’établissent ensuite pour de bon à Fredericton, afin que Bruno puisse prendre la direction du Centre d’art de l’université. Ils enseignent alors tous deux à l’université. Comme en Colombie-Britannique, Lamb Bobak s’organise pour donner des cours un peu partout dans la province et à la télévision, devenant une enseignante réputée, qui sait susciter l’enthousiasme.
Les Bobak en viennent graduellement à constituer le cœur de la scène artistique de Fredericton, en raison de leur réputation déjà bien établie et de leurs relations privilégiées avec des artistes de Montréal, Toronto et Vancouver. Ils exposent fréquemment au Centre d’art universitaire et à la Beaverbrook Art Gallery, qui a ouvert ses portes au public en 1959. Lamb Bobak reçoit plusieurs commandes et s’illustre par ses tableaux de réunions officielles tenues à l’Assemblée législative, à la mairie et dans d’autres espaces administratifs et publics, non seulement à Fredericton, mais partout dans les Maritimes.
Le déménagement à Fredericton procure à Lamb Bobak de nouveaux sujets et son travail commence à célébrer les paysages urbains et, plus encore, les gens qui les habitent. « Je pense que c’est un intérêt que j’ai depuis gamine, dira-t-elle. En fait, j’aime les rassemblements, les mélanges […] On croirait des fourmis qui grouillent, il y a cette espèce d’insignifiance mais aussi la beauté des gens qui se réunissent. » Ses scènes de foule dépeignent des gens réunis dans des espaces communautaires, souvent en train d’agiter des drapeaux, d’encourager leurs équipes sportives, ou d’assister à un défilé ou une cérémonie de remise des diplômes. Au fil de sa carrière, elle porte une attention croissante au mouvement et au rythme de ses scènes de défilés et d’événements sportifs, comme en témoigne par exemple le tableau Rink Theme—Skaters (Thème de la patinoire — Patineurs), 1969.
Cette fascination est manifeste dans les croquis et dessins qu’elle réalise durant la visite officielle de deux jours de la reine Elizabeth II et du prince Philip, duc d’Édimbourg, au Nouveau-Brunswick en juillet 1976. Suivant l’itinéraire de la reine, Molly croque au fusain et à l’encre ses impressions des foules en liesse venues accueillir le couple royal.
Ces dessins pris sur le vif dans son carnet de croquis sont accompagnés de copieuses notes qui lui permettront plus tard de réaliser une cinquantaine de peintures à l’huile sur le thème de la visite. Ces tableaux, dont le plus connu est John, Dick, and the Queen (John, Dick et la Reine), 1977, produisent une impression de vitalité et de mouvement tout en plaçant le spectateur au milieu de la foule — effet obtenu grâce à une perspective au niveau du sol. Ce tableau diffère dans son approche de bon nombre d’autres scènes de Lamb Bobak dans lesquelles l’impression de mouvement est accentuée par la couleur et par une perspective qui situe le spectateur à une certaine distance; pensons par exemple à The Legislative Ball (Le bal à l’Assemblée législative), 1986, ou à On the Beach (Sur la plage), 1983. Joseph Plaskett, un peintre réputé pour ses fleurs et ses intérieurs, décrira Lamb Bobak en ces termes : « L’art est sa vie et son mode d’expression. La vie est célébrée […], le drame est vécu. »
La maturité
Chez Molly Lamb Bobak, la maturité artistique est source d’équilibre entre les sujets de ses œuvres et leur traitement formel. Elle ne néglige pas la ligne, la couleur et la texture, mais marie ces éléments formels à ses sujets de manière à ce que ceux-ci soient toujours reconnaissables. Bien qu’elle fasse une large place aux scènes de foule, aux compositions florales et aux natures mortes domestiques, elle peint également des paysages et des scènes urbaines. La plupart sont de facture figurative; son paysage marin Black Rocks, Caesaria (Rochers noirs, Césarée), 1985, peint en Israël, est l’œuvre qui tend le plus vers l’abstraction. Ses tableaux de fleurs, comme Wild Asters (Asters sauvages), s.d., sont à bien des égards semblables à ceux figurant une foule : les regroupements ont quelque chose de spontané et les éléments peuvent être organisés d’innombrables manières. Les deux genres comportent leur lot de défis, mais Lamb Bobak trouve ces difficultés stimulantes. Comme elle l’explique dans Wild Flowers of Canada (1978), les fleurs sont pour elle une source d’inspiration.
L’historien de l’art David P. Silcox fait remarquer dans l’avant-propos de cet ouvrage que la narration et les fleurs forment un double autoportrait. Ainsi, dans le premier chapitre intitulé « Roots », Lamb Bobak relate les histoires que sa mère, Mary Williams, lui a racontées sur sa vie au Nouveau-Brunswick peu de temps après son arrivée au Canada. Ces récits, ainsi que certains faits concernant ses parents et des souvenirs de sa jeunesse à Burnaby Lake, sont illustrés par une aquarelle librement composée représentant des géraniums : « Ma mère n’a jamais beaucoup aimé les géraniums — elle plantait du phlox et des giroflées odorantes, des asters et du réséda. Je me suis mise à aimer les géraniums après les avoir vus dans un tableau de Cézanne — Il en a peint quelques-uns sur un rebord de fenêtre dans ces pots en terre cuite que les Français fabriquent encore. » Les fleurs de Lamb Bobak sont toujours naturelles, comme si elles venaient d’être cueillies et mises dans le premier contenant trouvé. « J’ai en aversion les bouquets de fleuristes, avec leurs nœuds, leurs couleurs à l’aérosol et leurs pompons », écrit-elle.
À la différence de ses tableaux floraux et de ses scènes de foule, les intérieurs de Lamb Bobak, comme Pub, Sloane Square, 1970, présentent moins d’aspects animés. Calmes, statiques, sereins, ils dépeignent des espaces avec lesquels l’artiste entretient un rapport personnel. La conservatrice Cindy Richmond fait remarquer qu’ils ont tous une importance psychologique pour leur créatrice, un lien à des émotions ou des expériences particulières. Les intérieurs de pubs que Lamb Bobak a peints durant son séjour à Londres dans les années 1950 et 1960 évoquent une atmosphère conviviale mais teintée de pessimisme, avec leurs espaces décrépits, mal éclairés, légèrement inquiétants — Warm Pub (Pub chalereux), s.d., par exemple.
Dans une œuvre plus tardive, Interior with Moroccan Carpet (Scène intérieure avec tapis marocain), 1991, Lamb Bobak signe une création hybride qui réunit un intérieur domestique et une nature morte représentant un vase de fleurs. Dans ce tableau, la lampe, le sofa, la table, le vase de fleurs bleues et le tapis à motifs sont tous reconnaissables, mais l’œuvre prise dans son ensemble tend vers l’abstraction. La composition déborde d’énergie. Comme elle l’explique à la conservatrice Joan Murray : « J’ai toujours été intéressée par le mouvement informel — les fleurs sauvages balancées par le vent, les parades, les manifestations, les foules dans la rue, les foules n’importe où; du moment qu’elles se transforment en espace pictural dans ma tête. »
En 1973, Lamb Bobak est élue membre de l’Académie royale des arts du Canada (ARC) et en 1995, elle reçoit l’Ordre du Canada en même temps que Bruno Bobak. En 2002, elle compte parmi les premiers récipiendaires de l’Ordre du Nouveau-Brunswick. Malgré sa vue qui décline, elle continue de peindre journellement et expose son travail dans des galeries commerciales de Fredericton, Montréal, Toronto et Ottawa. En 1993, la MacKenzie Art Gallery de Regina organise une vaste exposition itinérante de ses œuvres qui s’arrête au Musée des beaux-arts du Canada, à la galerie d’art de l’Université Memorial de St. John’s et à la Beaverbrook Art Gallery. Lamb Bobak conserve des liens forts avec les artistes canadiens qu’elle a rencontrés durant ses années de jeunesse dans l’Ouest ainsi qu’avec les artistes de guerre qu’elle a côtoyés pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle se fait également de nouvelles relations lors de ses fréquentes expositions dans le milieu commercial de l’art et de sa participation à de nombreux jurys.
Peintre réputée et prolifique, graveuse et illustratrice à ses heures, éducatrice influente, Molly Lamb Bobak restera active sa vie durant. Elle concilie ses activités professionnelles et ses responsabilités familiales, meuble la maison qu’elle et son mari ont achetée à Fredericton de belles pièces anciennes (obtenues à bon prix) et fait fi des conventions en matière de décoration intérieure. « Maman et papa faisaient partie d’un monde plus vaste que celui de la famille », se rappelle leur fille Anny Scoones. « Pour que leur art soit vrai, libre et utile, ils devaient être ouverts à quelque chose de plus que le simple fait d’être maternel ou paternel. »
À la fin des années 1990, ses problèmes de vue obligent Lamb Bobak à réduire ses activités. Après le décès de son mari en 2012, elle s’installe dans un établissement d’aide à la vie autonome pour les vétérans, à Fredericton, où elle meurt le 2 mars 2014, peu de temps après avoir célébré son quatre-vingt-quatorzième anniversaire. Elle est la dernière survivante des trente-deux artistes de guerre officiels du Canada — une artiste originale qui, durant la seconde moitié du vingtième siècle, a su réussir en marge de l’axe dominant Toronto-Ottawa-Montréal-Québec.